Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
469
LIVRE DEUXIÈME.

ressuscitait l’un des premiers avec éclat, dans ses missions, l’éloquence évangélique, pratique et simple, et faisait entendre aux foules des paroles apprises, comme il disait, non dans les écoles, mais au pied du Crucifix. Il se glissait pourtant dans ses ardeurs d’apôtre quelques restes du jeu hasardé et de la bonhomie triviale de ses contemporains. M. Singlin, lui, n’en eut rien : avec le Père Des Mares, il est un des précurseurs incontestables de l’éloquence toute grave et saine des Bourdaloue et des Le Tourneux. Sa grande vogue de parole fut à partir de 1647 et dans les quatre ou cinq années qui suivirent ; elle se maintint même à travers les guerres de Paris, auxquelles ce sérieux semblait faire affront.Il ne prêchait qu’à Port-Royal de Paris, dans la chapelle d’abord, fort à l’étroit, puis dans l’église toute neuve qui fut remplie aussitôt. Les auditeurs les plus illustres y affluaient. Tous les témoignages, ceux de la mère Angélique, de Fontaine, de M. de Sainte-Marthe, de Du Fossé, sont unanimes sur le genre de bénédiction particulière qui s’attachait à ses paroles : il avait le don de toucher. En sortant de l’église, ses auditeurs ne s’arrêtaient point à se dire les uns aux autres, comme on fait d’ordinaire, qu’il avait bien prêché ; mais, vivement pénétrés au cœur

    chercher les degrés qu’il ne voyait plus, et demanda qu’on vînt l’aider à descendre. — Il continua ses travaux de prédication durant quarante ans encore ; mais il ne se permit plus de célébrer la messe, bien qu’on le lui eût permis. — Le Père Le Jeune eut encore cela de commun avec Port-Royal d’être contre les Jésuites. De son temps et sous le Père de Bourgoing général, il y eut une paix, un accord ou semblant de bonne intelligence entre les Oratoriens et les Jésuites : sur quoi le Père Le Jeune disait : « C’est la paix des poules avec le Renard. » — Les Jésuites, par la plume du Père Rapin, lut ont revalu ce mot-là. Il est insulté dans les Mémoires de ce Père, comme tout ce qui n’est pas des leurs et qui se rapproche des nôtres ; il y est traité de prédicateur aventurier.