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APPENDICE.

de traités religieux, de pamphlets aigre-doux, de béates correspondances, de graves et longs ouvrages. On ferait un livre plus considérable et plus curieux que le livre de M. Sainte-Beuve, en donnant la bibliographie des écrits publiés à ce sujet : ce n’est pas exagérer que de les évaluer à dix mille ; quant à les analyser, ce serait vouloir faire une Encyclopédie religieuse. »

Sa prétention est que ce sujet de Port-Royal est comme épuisé. La question de Port-Royal a été jugée par la Cour de Rome et par Louis XIV : elle est connue comme la mort de M. de Turenne ; et en conséquence il va faire l’entendu en ces matières et trancher de haut avec un aplomb égal à son ignorance :

« La question de Port-Royal, commencée en 1626 par l’emprisonnement de Saint-Cyran (Saint-Cyran ne fut emprisonné qu’en mai 1638), n’a été terminée qu’en 1763, par l’abolition de l’Ordre des Jésuites. Cette querelle embrasse un ordre immense de faits ; elle enferme dans son cycle le combat sur la Grâce, auquel donna lieu la théorie de Molina, la lutte des Jésuites et des Jansénistes, celle de Fénelon et de Bossuet, la Bulle Unigenitus, le triomphe et la défaite de la sublime milice religieuse nommée les Jésuites, ces janissaires de la Cour de Rome, dont la chute a précipité celle du principe monarchique. »

Il va toujours comprendre dans la question de Port-Royal la lutte de Fénelon et de Bossuet, dont il paraît ignorer le sujet et qui n’y appartient pas, Fénelon étant le moins Janséniste des hommes et des théologiens, et Bossuet ne l’étant pas davantage, bien qu’il eût des liaisons avec quelques personnages considérables de ce parti. — Je le laisse continuer :

« Dans ce vaste chaos bibliographique s’élèvent comme des fleurs éternelles et brillantes l’Histoire de Port-Royal par Racine, livre admirable, d’une prose magnifique, comparable pour sa grâce et sa simplicité aux plus belles pages de J.-J. Rousseau ; les Provinciales, immortel modèle des pamphlétaires, chef-d’œuvre de logique plaisante, de discussion rigoureuse sous les armes rabelaisiennes : de l’autre côté, les œuvres de Bossuet, de Bouhours, de Bourdaloue, et les foudres vengeresses du Vatican. »

Respirons un peu. La prose de l’Abrégé de Racine n’a rien de magnifique et ne se distingue que par la pureté et une parfaite élégance ; elle ne rappelle de près ni de loin les plus belles pages de Jean-Jacques, et surtout elle ne les rappellerait point par la grâce et la simplicité, caractères qui n’appartiennent point essentiellement à la prose éloquente de Rousseau. Faire de Pascal un jouteur Rabelaisien n’est pas moins faux et insoutenable ; ce Rabelais, que devait pourtant sentir M. de Balzac et qu’il affectait d’aimer au point de l’imiter et de le reproduire, il ne l’a pas compris littérairement, et lorsqu’il a voulu, en un jour de gaieté drolatique, refaire la phrase rabelaisienne, il n’en a pas saisi la forme