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LIVRE PREMIER

est plus probable que la juridiction de Cîteaux ne vint qu’ensuite. Elle est douteuse dans les premières années et d’après les chartes mêmes : les droits des Bernardins et ceux de l'évêque restent flottants. Cependant l’évêque ne maintenant guère les siens, l’abbaye des Vaux de Sernai, qui n’était située qu’à une lieue et demie de là, se porta naturellement comme supérieure immédiate d’un couvent dont les premières religieuses avaient été prises dans l’Ordre réformé de saint Benoît. La suprématie des moines sur Port-Royal parait constante et entière à partir de 1225 ; ils y fournissaient seuls des confesseurs. Thibauld, petit-fils de Mathilde, la fondatrice, étant devenu abbé des Vaux de Sernai en 1235 et par conséquent supérieur de Port-Royal, redoubla de soins et d’adoption pour les filles dotées par son aïeule. Il les visitait souvent, et l’on a jusqu’à la fin conservé par respect, dans la première cour extérieure, et proche la loge du portier, un petit corps de logis isolé, appelé le Logement de saint Thibauld. C’était, après l’église, le plus ancien bâtiment de la maison ; c’était le plus pauvre. Les religieux, confesseurs du couvent, et plus tard quelques-uns de nos Messieurs, en occupaient le haut, tandis que la salle du rez-de-chaussée, appelée la Chambre rouge, servait d’infirmerie aux domestiques. N’admirez-vous pas cette manière d’honorer, selon l’esprit de Port-Royal et selon le véritable esprit du Christianisme, l’humble et illustre saint de la race des Montmorencis ?

Je ne ferai pas l’histoire du monastère de Port-Royal depuis sa première abbesse, qui s’appelait, à ce qu’il paraît, Eremberge, jusqu’à la mère Angélique, à laquelle commence véritablement notre sujet. On serait fort embarrassé de vouloir établir cette histoire, dont le fil, sans cesse rompu, finit par manquer tout à fait aux quatorzième et quinzième siècles. Notons seulement