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PORT-ROYAL.

L’autre Carte de visite que nous possédons fut dressée en 1572 par Nicolas Boucherat, abbé de Cîteaux, du temps de l’abbesse Catherine de La Vallée, laquelle, sous prétexte des guerres de la Ligue, finit par se sauver de la maison et par chercher retraite à Colinance, Ordre de Fontevrault. Cette Carte atteste un désordre aggravé et plus de mécontentement dans le supérieur, qui se montre lui-même plus judaïque et moins spirituel encore que le frère Jacques de 1504. Toujours les mêmes formules pour que le service soit dit avec dues et accoutumées inclinations et autres cérémonies. Mais on y remarque avec surprise des injonctions absolues telles que celle-ci : « Toutes iront à la communion de quinze en quinze jours pour le plus tard, après avoir fait leur confession à leur Père confesseur et non à un autre. » En envisageant une si grossière routine appliquée au sacrement réputé le plus saint, on conçoit la future révolte de Saint-Cyran et d’Arnauld, les rigides barrières qu’ils eurent à redresser devant la table de l’hostie, et le livre de la Fréquente Communion, fulminé contre le trop commun sacrilège. — J’omets quelques réprimandes au sujet des sœurs malades, que l’abbesse, à ce qu’il paraît, nourrissait mal, et sur l’estomac desquelles elle retranchait.

    Pépin, l’atteste à son tour en des termes dont il faut affaiblir l’énergie ; ce sont les Juvénal d’alors que ces prédicateurs : « Les dames nobles ont de longues manches et de longues queues dont le prix servirait à nourrir toute une famille ; et quand la mode change, elles croient faire beaucoup pour Dieu en destinant au service de l’autel et du lieu saint ces vêtements tout souillés encore… Le goût effréné du luxe a gagné les religieuses elles-mêmes, et elles se parent comme les dames nobles, oubliant ainsi qu’elles sont mortes, que le cloître est un tombeau, et que les bijoux ne vont pas aux cadavres. » (Traduit de Guillaume Pépin, Sermones de Imitatione Sanctorum. Paris, 1536 ; in-8, goth.) Ces sermons, pas plus que ceux de Menot, n’avaient été prononcés en latin ; mais on les mettait en latin pour les imprimer.