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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/187

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LIVRE DEUXIÈME.

ce parallèle, qui dément presque, par la largeur, la fermeté et la propriété des termes, ce que je viens d’alléguer du style et de la manière d’Arnauld :

« Dieu donna de grands appuis à saint Charles pour soutenir son grand dessein de la réforme de son diocèse, et du rétablissement de la pénitence, qui devoit l’engager dans de grands combats.[1] Il l’autorisa, par ses parents et par ses alliés, dans l’Italie ; par ses amis, dans la Cour de Rome ; par son illustre naissance, parmi les honnêtes gens du monde ; par sa dignité de Cardinal, de neveu d’un Pape, et de légat du Saint-Siège, parmi les ecclésiastiques et les princes ; par ses grandes richesses, instruments de ses grandes charités, parmi les pauvres ; par sa haute piété, parmi les bons ; par ses humiliations et ses austérités merveilleuses, parmi les pécheurs. Il lui donna pour cela un visage vénérable, plein de respect et de majesté ; une sagesse et une conduite capables de gouverner toute l’Église comme il avoit fait sous le pontificat de son oncle[2] ; une magnanimité de grand seigneur et de grand Saint, pour ne point craindre les menaces des gouverneurs violents, les assassinats des moines désespérés, les calomnies des ecclésiastiques rebelles, le refroidissement du Pape et des Cardinaux trompés et surpris ; une force d’esprit extraordinaire pour entreprendre de grandes choses ; une constance immobile pour les exécuter et les achever ; une charité ardente et généreuse, pour marcher sans crainte parmi la peste, parmi les torrents ; une vigueur de corps infatigable pour visiter incessamment son diocèse et supporter ses mortifications ; une humilité de Pénitent public pour confondre l’impénitence publique[3] … ; et enfin toutes les qualités divines et héroïques nécessaires à un Évêque pour réformer les désordres d’une Église, et pour abolir cet abus si déplorable des confessions imparfaites, des absolutions précipitées, des satisfactions vaines et des communions sacrilèges. »

  1. Notons pourtant ce mot grand répété trois fois sans nécessité et sans beauté.
  2. Pie IV (Ange de Médicis).
  3. Arnauld épuise un développement quand il le tient ; la variété du tour lui manque ; il n’en sent pas le besoin.