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LIVRE DEUXIÈME.

mois auparavant, avait rédigé l’Approbation en latin signée du prélat.[1] Il y avait en tête de la première édition des Approbations imprimées de seize évêques ou archevêques, et de vingt docteurs de Sorbonne ; ces personnages avaient leur part dans l’injure. Assemblés alors pour d’autres affaires auprès du Cardinal Mazarin, les

  1. Le Père Rapin (dans ses Mémoires, tome I, p. 32), dit que cet archevêque de Tours lui avouï qu’il avait donné son Approbation au livre sans l’avoir lu. Tant pis pour le prélat ! Il en résulterait une preuve de plus que ce n’était pas lui qui avait écrit l’Approbation, mais qu’on la lui avait faite. L’annotateur des Mémoires de Rapin révoque en doute que ce soit le Père Nouet qui ait rédigé cette Approbation, Il reste prouvé pour moi que le Père Nouet, parlant à l’archevêque, avait dans le principe loué le livre et opiné dans le sens de l’Approbation. Lancelot le dit positivement, et il déclare le tenir de la bouche même de l’archevêque, dont tout le monde cite des mots et qui, à ce qu’il semble, parlait beaucoup. Hermant, dans son Histoire manuscrite, va plus loin ; il nous dit : « Ils (les Jésuites) commencèrent par faire monter en chaire dans la chapelle de leur maison professe de Saint-Louis le Père Nouet qui avoit enseigné la rhétorique trois ou quatre ans auparavant et qui ne pouvoit se déclarer contre cet ouvrage que par une étrange prévarication : car on a su que, M. l’archevêque de Tours le lui ayant donné à lire avant que de l’approuver, il en avoit rendu un témoignage avantageux et n’y avoit rien trouvé à redire ; et on assuroit même que c’étoit lui qui avoit composé l’Approbation latine de ce prélat. » L’annotateur du Père Rapin prétend là-dessus que je suis crédule à toute assertion janséniste ( « M. S.-B. aux yeux de qui toute parole janséniste fait foi prend la chose pour établie…"). J’ai trouvé les faits que j’ai redits, dans les Mémoires de Lancelot (tome I, p. 241). Je n’ai vu aucune raison d’en mettre en doute la vérité ; non que je sois disposé à croire à toute parole janséniste : tout ce livre que j’écris témoigne à chaque page du contraire ; je sais les Jansénistes très-capables de prévention : mais quand c’est un Lancelot qui parle, quand c’est un Tillemont, quand c’est un Saci, j’ai en effet une extrême confiance en eux, et je ne fais aucune comparaison du degré de créance que méritent ces langues sincères et ces plumes véridiques, à ce qui est dû raisonnablement à leurs adversaires. Ceux-ci, par habitude, par éducation et discipline, sont essentiellement sujets à manquer de bonne foi et de droiture. Pascal le savait bien, et moi-même (si j’en puis parler par mon humble expérience) je le sais aussi.