Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
LIVRE DEUXIÈME.

et les témoins y virent une espèce de miracle : merveilleux effet, à coup sûr, de la vénération fortement éprouvée ! — Et parlant pour son propre compte, le pieux chroniqueur de cette scène ajoute : « Jetant la vue sur le corps qui étoit encore en la même posture où la mort l’avoit laissé, je le trouvai si plein de majesté, et dans une mine si grave, que je ne pouvois me lasser de l’admirer, et je m’imaginois qu’il auroit encore été capable en cet état de donner de la crainte aux plus passionnés de ses ennemis, s’ils l’eussent vu. »[1]

On fit l’ouverture du corps. Le cœur fut réservé pour M. d’Andilly, à qui M. de Saint-Cyran l’avait donné par son testament, à condition qu’il se retirerait du monde. Les entrailles furent aussi mises à part, pour être enterrées à Port-Royal de Paris, selon la dévotion de la mère Angélique. Lancelot coupa lui-même les mains sur l’instance de M. Le Maître, lequel, arrivé de Port-Royal des Champs le lundi soir, lendemain de la mort, ne se trouva pas satisfait des autres petites richesses qu’on lui avait ménagées, et qui en sus voulut absolument ces mains, « ces mains, disait-il, toutes pures et toutes saintes, que le défunt avoit si souvent levées vers Dieu, qui avoient écrit tant de vérités, et qui combattoient encore pour l’Église lorsque Dieu l’avoit appelé à lui. »[2] Le reste du corps fut enterré à l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, dans l’enceinte du sanctuaire, M. Hamon se sentira un jour tout consolé dans cette église, proche de ce tombeau.

La mère Angélique avait toujours paru tellement au-

  1. Lancelot, Mémoires, tome I, p. 252.
  2. Le médecin et le chirurgien, d’autre part (car rien n’est oublié), admirèrent, on nous le certifie, la capacité de son cerveau et dirent qu’ils n’en avaient jamais vu un si grand pour la quantité ni de plus blanc pour la substance. (Lancelot Mémoires, tome I, p. 255).