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PORT-ROYAL

quelque temps à l’époque du mariage de son père avec la seconde duchesse.

La translation de l’Institut du Saint-Sacrement à Port-Royal amena une autre cérémonie très-importante pour tout couvent, à savoir le changement d’habit.[1] Nos religieuses portaient auparavant le scapulaire noir de Bernardines. En embrassant l’Institut du Saint-Sacrement, fallait-il dépouiller ce scapulaire et reprendre celui qu’avaient eu les sœurs au Saint-Sacrement même ? La mère Angélique, sévère, était d’avis de garder le noir. La sœur Anne-Eugénie, par un reste d’imagination peut-être, penchait pour l’autre costume, plus éclatant. Un coffret, ouvert par hasard, fixa l’irrésolution : on y trouva des habits venus du Saint-Sacrement et oubliés là depuis huit ou neuf ans, ce qui parut une indication d’en haut. Les religieuses prirent donc en toute cérémonie (octobre 1647), et pour ne le plus quitter, le scapulaire blanc avec la croix d’écarlate sur la poitrine. La solennité, après quarante jours de retraite, fut grande ; M. Bignon, l’avocat général, y assistait ; M. l’Official donnait les habits. On y reconnut, jusque dans les détails la vérification d’une ancienne vision de madame Le Maître qui avait cru voir en idée, dix-huit ans auparavant, les sœurs se revêtant ainsi. C’est là le côté petit de Port-Royal, et en quoi ces fortes et simples filles se retrouvent nonnes par quelque point.

Puis l’imagination, toujours, a sa part ; si on ne la lui fait pas de bon gré, elle la ressaisit. Cette croix d’écarlate sur un vêtement blanc était de nature à frapper : blancheur de la robe des Rachetés à côté du sang de l’Agneau. Qu’on se figure autour du préau du cloître,

  1. La règle ne fut pas changée pour cela ; on resta sous celle de saint Benoît, en l’accommodant seulement sur quelques points aux nouvelles obligations.