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PORT-ROYAL.

aux instructions nécessaires. Ce sont abus : ostez toutes ces subtilitez espineuses de la dialectique, de quoy nostre vie ne se peult amender ; prenez les simples discours de la philosophie, sçachez les choisir et traicter à poinct : ils sont plus aysez à concevoir qu’un Conte de Boccace[1]…» Arnauld, le dogmatique Arnauld, aussi croyant à la vérité démontrable que Montaigne l’est peu, a réalisé pourtant le vœu de celui-ci et presque répété son mot en cette même Logique, où le philosophe est si mal traité. Il la composa, par manière de divertissement, pour le jeune duc de Chevreuse (fils du duc de Luines), dans la vue de lui aplanir cette étude réputée si ardue, et se faisant fort de la lui apprendre en quatre ou cinq jours. Est-ce à dire, comme le veut Montaigne, que la chose devienne aussi facile qu’un Conte de Boccaco ? Arnauld, quoi qu’il en soit, a comme tenu ici la gageure du gai penseur, lequel, après avoir essuyé la terrible page, est cité plus honorablement et mis à contribution au paragraphe suivant sur les inconvénients de l’esprit de dispute : Arnauld, pour le ton, en aurait dû mieux profiter.

À cet article de l’éducation des enfants, il est un autre endroit par où Montaigne et Port-Royal ont l’air de se toucher, mais pour se séparer aussitôt. Le principe dans les petites Écoles était d’employer le moins possible la rigueur physique ; je ne sais même si on y recourait du tout ; il n’y est pas question de fouet[2]. On renvoyait les indociles, s’il y en avait. M. de Saint-Cyran, dans une lettre écrite de Vincennes à M. de Rebours, dit : «Je croirois beaucoup faire pour eux, quand même je ne les

  1. Essais, livre I, chapitre xxv.
  2. Dans un livre intitulé : les Règles de l’Éducation des Enfants, par M. Coustel, un des maîtres de Port-Royal, on peut voir (tome I, p. 177), le seul chapitre où la verge soit nommée, et encore plutôt comme figure.