l’homme seroit encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.»
On a remarqué comme à l’instant la pensée de Montaigne s’achève, se couronne et se réintègre en Pascal. Même, quand celui-ci emploie de ces mots qu’on ne dit pas d’ordinaire, et qui marquent la bassesse de l’homme, comme on sent que c’est franc chez lui, tout de bon, à bonne fin, et pour l’en tirer après l’y avoir plongé ! Quand il parle de ces misères qui nous tiennent à la gorge, comme on sent qu’il en veut réellement finir avec elles, tandis que l’autre a toujours l’air de vouloir plutôt s’en caresser le menton ! Montaigne pourtant lui-même a ici, en maint endroit, de la bien haute et bien franche, de la très-sincère éloquence :
« Ce furieux monstre à tant de bras et à tant de testes (une armée), c’est toujours l’homme, foible, calamiteux et misérable ; ce n’est qu’une fourmilière esmeue et eschauffée : It nigrum campis agmen ; un souffle de vent contraire, le croassement d’un vol de corbeaux, le fauls pas d’un cheval, le passage fortuit d’un aigle, un songe, une voix, un signe, une brouée matinière, suffisent à le renverser et porter par terre. Donnez-luy seulement d’un rayon de soleil par le visage, le voylà fondu et esvanoui ; qu’on luy esvente seulement un peu de poulsière aux yeulx comme aux mouches à miel de nostre poëte, voylà toutes nos enseignes, nos légions, et le grand Pompeius mesme à leur teste, rompu et fracassé. »
Pascal à son tour, en y repassant, n’a pu au mieux qu’égaler l’éloquence poignante de ces endroits.
Après en avoir fini de cette comparaison et correspondance de l’homme aux animaux, qui le doit rabattre, Montaigne en vient aux sectes des philosophes, les unes après les autres, depuis Thalès, et il triomphe dans leurs variations. Il le faut voir remuant, ralliant