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LIVRE TROISIÈME.

et royale maladie : « Quand j’ai commencé l’étude de l’homme, a-t-il dit depuis, j’ai vu que ces sciences abstraites ne lui sont pas propres, et que je m’égarois plus de ma condition en y pénétrant, que les autres en les ignorant. » L’étude de l’homme, la réflexion du monde moral, datèrent pour lui de ce jour-là.

Car c’est lui, nous apprend-on, lui qui, de toute la famille, prit le premier, et le plus vivement, aux discours et aux livres de MM. de La Bouteillerie et Des Landes ; il porta sa jeune sœur, alors âgée de vingt à vingt-un ans, et recherchée en mariage par un conseiller, à renoncer en esprit au monde. Le frère et la sœur unis y décidèrent M. leur père ; et M. et madame Périer, qui étaient venus séjourner à Rouen vers la fin de cette année 1646, trouvant toute la famille en Dieu, ne crurent pouvoir mieux faire que d’en suivre l’exemple. Tous se mirent sous la conduite de M. Guillebert, cet ami de feu M. de Saint-Cyran.

Dans le courant précisément de cette même année 1646, Pascal répétait avec M. Petit les expériences faites en Italie sur la pesanteur de l’air ; il publiait un aperçu des siennes en 1647 ; et j’augure que, durant tout ce temps, il y eut en lui de violents combats, des attaches et des reprises de science, qu’il se reprochait.[1]

  1. C’est à la date de février 1647 que se rapporte une certaine affaire dans laquelle Pascal se montra catholique bien fervent et bien jaloux sur les articles de foi : je veux parler de la dénonciation que lui et deux de ses amis firent d’un capucin de Rouen, le Frère Saint-Ange, qui professait, ou du moins qui soutenait en conversation, des doctrines très-singulières et tout à fait folâtres. Pascal dénonça auprès de l’archevêque de Rouen le pauvre visionnaire, et le poussa l’épée dans les reins plus que de raison (Voir les pièces publiées par M. Cousin, dans la Bibliothèque de l’École des Chartes, t. IV, p. 111, 1842). Ne soyons pas trop surpris de voir en cette sotte affaire Pascal dénonciateur et quasi inquisiteur. Je sais tel honnête jeune homme catholique ou même protestant qui, de nos jours, par zèle du vrai et du bien, en ferait autant.