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APPENDICE.

SUR BALZAC LE GRAND ÉPISTOLIER

(Se rapporte à la page 83.)

Voici le complément que j’ai annoncé et, si l’on veut même le correctif sur Balzac. Je suis sujet à cette méthode ou manière ; je ne la donne pas comme la meilleure, mais comme mienne. Il m’est souvent arrivé de refaire à nouveau un portrait et de le présenter la seconde fois un peu différent et sous un jour un peu autre que la première. Dans ce livre de Port-Royal qui est un monde à part je prie le lecteur de remarquer que c’est à un point de vue particulier aussi et, en quelque sorte, par une fenêtre de mon sujet que j’ai du envisager les choses et les hommes. Tout en tâchant de les approfondir, j’ai été forcé de les resserrer et de les restreindre. Ainsi Corneille et Rotrou pris uniquement dans la tragédie sacrée, ainsi saint François de Sales en contraste direct avec M. de Saint-Cyran, ainsi Balzac opposé à M. de Saint-Cyran encore, ainsi Montaigne en vis-à-vis de M. de Saci, ainsi Molière supposé en face de Pascal, ainsi Boileau considéré principalement comme un ami d’Arnauld et des nôtres, ainsi Racine étudié et admiré avant tout comme auteur d’Esther et d’Athalie : voilà les aspects et les cadres que j’ai du choisir et comme découper pour les adapter au présent ouvrage. Or, il n’est aucun de ces sujets littéraires que je n’ai repris ailleurs sous une forme plus générale et dans un esprit, si je puis dire, plus désintéressé. J’ai reparlé, non plus du tout en Janséniste ou en Port-Royaliste, et de Corneille et de Racine, et de Boileau, et de saint François de Sales, et de Montaigne en mainte occasion, et de Molière : je me perds moi-même à rechercher dans mes volumes de Portraits ou de Lundis tout ce que j’ai pu écrire sur eux à diverses reprises. Il n’y a que Balzac qu’on n’y retrouve pas, et c’est une lacune.

J’ai dit cependant que j’avais été amené dans ma vie littéraires revenir plus d’une fois sur cette étude de Balzac. Je l’ai fait surtout dans un Cours à l’École normale, où j’ai eu l’honneur d’être professeur quatre années. Je commençai mon premier semestre en avril 1858, par le dix-septième siècle et par une étude de Malherbe[1]. Après Malherbe poète, venait Malherbe prosateur, le premier maître de Balzac, mais un maître que le disciple, en cela devait surpasser. Ces pages que j’ajoute ici et qui sont le résumé de mes leçons, outre qu’elles vont rétracter ou mitiger sur quelque points les sévérités précédentes, ne doivent point paraître un hors-

  1. Elle a été imprimée dans le n° du 15 mars 1859 de la Revue Européenne, et là seulement