Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/553

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
543
APPENDICE.

Ce fut dans la ferme des Granges qu’il agonisa et expira. Il n’avait pas cessé, même durant ces années de persécution, de soigner les bois du monastère. Seulement il ne demeurait plus à Port-Royal, depuis qu’il y avait garnison, n’étant pas bien aise de se rencontrer avec les gardes. L’exempt qui les commandait ne laissait pourtant pas d’avoir du respect pour lui : il l’avait quelquefois rencontré dans les bois, mais sans avoir jamais osé l’approcher pour lui parler. Lorsqu’il fut mort, les Religieuses firent demander à l’archevêque qu’on leur permît de l’enterrer dans leur église, puisque cette église était sa paroisse depuis plus de vingt ans. L’archevêque fit répondre qu’il y avait des raisons pour ne pas permettre que M. de La Rivière fût enterré à Port-Royal et qu’il devait l’être à Magny en qualité de paroissien : ce qui fut exécuté avec le regret pour les Religieuses de ne point posséder les restes, qui leur étaient dus, de cet ami et de ce serviteur fidèle.


SUR M. DU HAMEL.

(Se rapporte à la page 242.)


M. Du Hamel, docteur de Sorbonne et curé de Saint-Merry, avait été l’un des hommes les plus considérables et les plus influents du parti janséniste pendant près de dix années ; il avait fait de grandes actions, comme on disait alors, avant de faiblir et de s’éclipser. Il était né, à ce qu’on suppose, au château de Nainvilliers près de Pluviers, en Beauce, on ne dit pas l’année. Sa jeunesse avait été vive, enthousiaste et toute portée aux pratiques de piété et de charité. Ayant connu M. de Saint-Cyran dès le temps où l’illustre prisonnier était au donjon de Vincennes, il l’avait eu pour directeur. Nombre de lettres de Saint-Cyran lui sont adressées. C’est à son école qu’il prit une si haute idée du sacerdoce et de la pénitence. L’archevêque de Sens, messire Octave de Bellegarde lui ayant confié la cure de Saint-Maurice, une des plus grandes de son diocèse, M. Du Hamel y développa un certain génie de réforme qui s’attesta bientôt par des actes extraordinaires de pénitence, renouvelés de l’antiquité. Il mérita que, dans la Préface du livre de la Fréquente Communion, M. Arnauld le proposât publiquement en exemple dans une page qui a été souvent citée : « Tout le monde sait qu’à vingt-cinq lieues de Paris, Dieu a retracé une image vivante de la Pénitence ancienne parmi