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PORT-ROYAL.

monnaie du jour qui était mieux blanchie, on est allé chercher une ancienne fausse monnaie (et pas déjà si ancienne) qu’on avait négligée et dont le mauvais aloi devait sauter aux yeux, ç’a été de bonne guerre ; c’est chez eux et dans leur poche de derrière qu’on l’a trouvée.

À quelle époque commença précisément cette mauvaise marche envahissante et tortueuse des Jésuites ? La faut-il fixer tout directement à leur naissance, dès leur premier Général et fondateur Ignace de Loyola[1] ? Une histoire impartiale et précise serait à faire, et il ne m’appartient pas de l’entamer ici. Mais à ouvrir simplement la Vie de saint Ignace et celle de saint François-Xavier, comme je les trouve écrites par un des Jésuites les plus spirituels du dix-septième siècle, par celui que ses confrères se plaisaient le plus ordinairement à opposer à Pascal pour le piquant et la politesse, le Père Bouhours, je ne puis m’empêcher d’y relever, entre autres, quelques passages caractéristiques, qui jurent avec la saine et mâle idée du Christianisme, telle que nous avons été accoutumés à la voir apparaître chez nos amis. Trois ou quatre de ces traits saillants suffiront à faire mesurer la distance.

S’agit-il de la vénération qu’avaient pour Ignace, encore vivant, les premiers compagnons de ses travaux, Bouhours dira :

  1. Pascal paraît croire à une décadence assez récente, lorsque dans sa treizième Lettre, à propos des diversités de décisions, il dit : « … C’est donc cette variété qui vous confond davantage. L’uniformité seroit plus supportable, et il n’y a rien de plus contraire aux ordres exprès de Saint Ignace et de vos premiers Généraux, que ce mélange confus de toutes sortes d’opinions. Je vous en parlerai peut-être quelque jour, mes Pères, et on sera surpris de voir combien vous êtes déchus du premier esprit de votre Institut, et que vos propres Généraux ont prévu que le dérèglement de votre doctrine dans la morale pourroit être funeste non-seulement à votre Société, mais encore à l’Église universelle. »