toute une ville à s’empoisonner. — 3° On m’a demandé pourquoi j’ai employé un style agréable, railleur et divertissant. Je réponds que si j’avois écrit d’un style dogmatique, il n’y auroit eu que les savants qui les auroient lues, et ceux-là n’en avoient pas besoin, en sachant pour le moins autant que moi là-dessus. Ainsi j’ai cru qu’il falloit écrire d’une manière propre à faire lire mes Lettres par les femmes et les gens du monde, afin qu’ils connussent le danger de toutes ces maximes et de toutes ces propositions qui se répandoient alors, et dont on se laissoit facilement persuader. — 4° On m’a demandé si j’ai lu moi-même tous les livres que j’ai cités. Je réponds que non. Certainement il auroit fallu que j’eusse passé une grande partie de ma vie à lire de très-mauvais livres : mais j’ai lu deux fois Escobar tout entier, et pour les autres, je les ai fait lire par quelques-uns de mes amis ; mais je n’en ai pas employé un seul passage sans l’avoir lu moi-même dans le livre cité, et sans avoir examiné la matière sur laquelle il est avancé, et sans avoir lu ce qui précède et ce qui suit, pour ne point hasarder de citer une objection pour une réponse ; ce qui auroit été reprochable et injuste[1]. »
Si l’on rapproche ces paroles de quelques autres Pensées précédemment citées[2], et qui ont dû être écrites vers le même temps, on verra Pascal, aux approches de la mort, de plus en plus net et vif dans ses déclarations contre cette Société de malheur, qu’il estimait le fléau de la vérité. Il y a à cet endroit en lui comme une verve de colère.
Quand Prométhée, dit Horace, pétrit pour la première fois le limon humain et y fit entrer une parcelle de chaque race d’animaux, il y mit, tout au fond de notre poitrine, une étincelle de la colère du lion (insani leonis vim). Cette étincelle aveugle, mais qui, modérée et entourée comme il faut, demeure une partie essentielle à