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PORT-ROYAL.

C’est ainsi qu’il va demeurer enseveli dans diverses retraites successives, durant toutes les années qui suivront, jusqu’au moment de la Paix de l’Église. Il aura pour compagnon assidu, dans cette longue éclipse, M. Nicole, et tantôt l’un, tantôt l’autre de ces Messieurs. M. Le Maître avait été choisi dans les premiers temps pour être près de son oncle, et pour l’aider de sa plume ; mais l’ardent solitaire n’y put tenir ; cette nécessité d’écrire le remettait aux tentations littéraires, qui étaient son faible et son remords. C’est au seul Nicole qu’il appartenait naturellement d’être le second inséparable d’Arnauld.

La vie du grand Docteur continue donc de marquer ses principales époques par les persécutions et par les fuites. Nous l’avons remarqué déjà[1] ; depuis le lendemain du livre de la Fréquente Communion (1644) jusqu’en 1648, il s’était tenu caché ; puis de 1648 à 1656, nous l’avions retrouvé en simple retraite de demi-solilaire, le plus souvent à Port-Royal des Champs. Le voilà derechef absolument caché de 1656 à 1668. Il se dérobera encore une fois et pour toujours en 1679. Il y eut de ses amis et de ses auxiliaires déclarés qu’il ne connut jamais de visage. On lit dans une de ses lettres[2] à M. Vuillart, qui lui avait envoyé un écrit et une lettre de M. Perrault (celui de l’Académie française) : « La lettre que vous m’avez envoyée de M. Perrault m’a mis dans un grand embarras. Elle est si honnête et si civile que je lui en dois être obligé. Il me fait souvenir de l’amitié que messieurs ses frères ont eue pour moi.


    quelque jour, mais trop tard, de leur lâcheté et de leur politique… Adieu, j’enverrai aujourd’hui des secondes Lettres à Nantes et ailleurs au pays. » Des deux côtés on est en guerre ouverte, tous les moyens sont bons, et il ne faut s’étonner de rien.

  1. Au tome II, page 188.
  2. 17 avril 1694.