Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
LIVRE TROISIÈME.

murmure et sans découragement, sans chagrin. Enfin on a vu par leur sortie qu’ils n’avoient cherché que Dieu en leur entrée.… Nos Sœurs sont aussi comme il faut, grâce à Dieu ; affligées, mais dans le silence. La plus grande part ne l’ont su que quand on a apporté leurs meubles[1]. Les petites filles qui avoient des frères (aux Granges) ont extrêmement pleuré, tant pour leurs frères que pour elles-mêmes, craignant que leur tour ne vienne. Enfin Dieu voit tout. »

Le 30 mars, dans l’intervalle de la cinquième à la sixième Provinciale, et l’un des jours que M. d’Andilly passait à Paris, le Lieutenant civil Daubray en partait à six heures du matin, pour aller s’assurer que les ordres de la Cour avaient été ponctuellement exécutés au monastère des Champs. MM. de Bagnols et de Luzanci, avertis à la minute (les Jansénistes avaient aussi leur police), partirent de Paris à cheval une demi-heure après ; mais ils s’arrangèrent pour ne joindre le magistrat qu’à la descente de Jouy. M. de Bagnols, ci-devant maître des Requêtes, connaissait particulièrement M. Daubray, et se mit dans son carrosse. M. de Luzanci alla en avant prévenir à Port-Royal. On y était parfaitement en règle. Il y eut pourtant encore quelques petites scènes qui rappelèrent assez bien celles qui avaient eu lieu, dix-huit ans auparavant, entre M. Le Maître et Laubardemont.

Le Lieutenant civil alla d’abord aux Granges, à cette ferme d’en haut où demeuraient la plupart des Messieurs. Il y trouva les logements vides, et une ou deux personnes seulement qui avaient l’air de paysans. Le premier à qui il s’adressa était un M. Charles ; on ne le connaissait à Port-Royal même que sous ce nom. De

  1. Les meubles qui servaient à ces Messieurs furent rapportes dans l’intérieur du couvent après leur sortie, et les Sœurs comprirent. — Ce sont là de ces traits qui éclairent en passant ces vies discrètes et ensevelies.