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LIVRE TROISIÈME.

de sa belle-sœur qui est religieuse. Elle avoit ce mal dès qu’il l’y mit, il y a plus de deux ans, étant venu à Paris et la laissant, afin qu’elle y fût mieux traitée. On y a fait tout ce qu’on a pu, excepté d’y mettre le feu, son père ne pouvant se résoudre à lui faire souffrir cette douleur, quoiqu’on lui mandât souvent qu’il empiroit. Enfin, trois semaines avant sa guérison, on fit venir un chirurgien nommé Dalencé, qui est estimé le plus habile de Paris, qui l’avoit déjà vue, pour la revoir avec grande attention et faire son rapport pour l’envoyer au père. Il sonda le mal et trouva l’os carié.… Il dit que le mal étoit incurable, à son avis ; que, s’il y avoit du remède, c’étoit le feu ; mais qu’il doutoit encore qu’il le pût guérir. On envoya ce rapport en Auvergne, et aussitôt le père partit pour venir voir ce qu’il pourroit faire pour cette enfant que Dieu guérit cependant. Cet homme est fort de nos amis, qui souffroit autant de notre persécution que du mal de sa fille, de sorte qu’il avoit une grande tristesse pendant tout le chemin ; jusqu’à ce qu’il fut proche du Faubourg, qu’il lui prit un si grand mouvement de joie qu’il en étoit tout surpris ; et, trouvant sa fille guérie, il crut que Dieu lui avoit fait sentir par cette joie la grâce qu’il lui avoit faite.
Quand on vit la guérison, notre Mère[1] et la Mère Agnès défendirent d’en parler à ceux qui viendroient à la maison ; et on envoya prier M. Dalencé, chirurgien, de venir. Lorsqu’il fut entré et qu’on lui présenta l’enfant, il dit sans la regarder : « Mais que voulez-vous que je fasse ? Ne vous ai-je pas dit que le mal étoit incurable ? » On lui répliqua plusieurs fois : « Mais, Monsieur, je vous prie, regardez-la encore. » Ce qu’ayant fait et la voyant guérie, il fut dans un extrême étonnement ; et quand on lui eut dit la manière, il dit : « Il n’y eut jamais de miracle, si ce n’en


    gnat. Pas un mot de M. Pascal dont elle est nièce, et dont les coups remplissent alors de bruit le monde. Le nom de l’auteur des Provinciales était sans doute un secret ; mais toute autre que la mère Angélique aurait-elle résisté au plaisir de le nommer incidemment ou de faire quelque allusion ? Miracle à part, tout ce récit respire la foi la plus abandonnée en Dieu et une simplicité d’esprit évangélique.

  1. L’abbesse, la mère Marie des Anges.