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PORT-ROYAL.

rapproché. Dalencé avait vu l’enfant deux mois environ avant le 24[1], et il la revit sept jours après. Les autres témoignages n’arrivèrent qu’en gros, à la suite, et en se réglant sur le premier.

Tout ceci soit dit très-respectueusement et sans vouloir blesser le genre humain, même le genre humain janséniste, à l’endroit le plus tendre. Gui Patin, peu crédule de sa nature, mais ici très-chaudement disposé en faveur de Port-Royal contre les Jésuites, a exprimé au vif, et avec son mordant habituel, le degré de confiance qu’il accorde aux témoins et parrains de ce miracle ; en homme de parti et en bon ennemi des Loyolistes, il ne demandait pas mieux d’ailleurs que de s’y prêter :

« Ceux du Port-Royal ont ici fait publier un miracle, qui est arrivé en leur maison, d’une fille de onze ans, qui étoit là-dedans pensionnaire, laquelle a été guérie d’une fistule lacrymale. Quatre de nos médecins y ont signé, savoir le bonhomme Bouvard, Hamon leur médecin, et les deux Gazetiers[2] : ils attribuent le miracle à un Reliquaire dans lequel il y a une portion de l’Épine qui étoit à la Couronne de Notre-Seigneur, qui a été appliquée sur son œil. Je pense que vous savez bien que ces gens-là, qu’on appelle du Port-Royal, tant des Champs que de la ville, sont ceux que l’on appelle autrement des Jansénistes, les chers et précieux ennemis des Loyolistes, lesquels voyant que ce miracle leur faisoit om-

  1. Il y a environ deux mois, c’est ce que dit la sœur Euphémie dans sa lettre du 31 ; la mère Angélique, dans sa lettre à la Reine de Pologne (précédemment citée, page 173), porte la dernière visite de Dalencé à trois semaines avant la guérison. L’une et l’autre date reviennent au même pour mon raisonnement. (Voir une discussion au sujet de ce miracle, dans la Revue de Théologie et de Philosophie chrétienne, avril 1854, article de M. Frédéric Chavannes.)
  2. Les frères Renaudot (Isaac et Eusèbe), rédacteurs de la Gazette de France. Il y avait bien peu de journalistes alors ; Port-Royal les avait pour soi.