Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
PORT-ROYAL.

Maistre[1]. Cet Arrêt du 23 septembre 1660 est signé Phelyppeaux. Goujet (Vie de Nicole) a dit que M. Phelyppeaux, Chancelier, eut beaucoup de peine à signer cet Arrêt, et qu’il fallut un commandement exprès du Roi pour l’y décider. Il y a là quelque confusion. Le Secrétaire d’État Phelyppeaux signa couramment ; mais l’Arrêt ayant été porté au Procureur du Roi au Châtelet sans être scellé, celui-ci exigea que la formalité d’usage fût remplie ; c’est alors que le chancelier (Seguier), tout ami qu’il était des Jésuites, fit de grandes difficultés, dit-on[2], avant d’y apposer le sceau, craignant que cet acte violent n’allât contre le but. Pourtant, sur le commandement exprès du Roi et de la Reine, il scella l’Arrêt le 1er jour d’octobre ; le Lieutenant civil rendit la Sentence le 8 du même mois, et le 14 l’Arrêt fut exécuté.

Ce qu’on ne saurait trop remarquer dans cette suite diverse de conséquences, c’est que d’une part, comme on voit, les Provinciales sont censurées, mises à l’Index à Rome, brûlées à Paris, et que d’autre part leurs conclusions triomphent irrésistiblement, et qu’elles triomphent, non-seulement dans le public, mais au sein des Pouvoirs de l’État ; que les maximes des Casuistes jésuites dénoncés par elles sont incriminées par les Curés en corps, censurées par la Sorbonne elle-même, condamnées par plusieurs Papes, et avec une singulière énumération par Innocent XI en 1679 ; et que finalement l’Assemblée du Clergé de France de 1700, reprenant un dessein interrompu de l’Assemblée de 1682, qualifie et flétrit à l’unanimité, par l’organe de Bossuet, l’oracle gallican, les Propositions capitales de la morale

  1. De l’Église gallicane, page 261.
  2. Hermant, Mémoires manuscrits. — Ces difficultés, élevées de la part du Chancelier, peuvent d’ailleurs paraître un peu singulières ; on en rabattra ce qu’on voudra.