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LIVRE TROISIÈME.

Voilà pour la série matérielle des écrits ; mais le temps, qui se plaît à faire sortir à la longue toutes les combinaisons et à ramener des hommes pour tous les rôles, suscita, quand tout semblait jugé et clôturé pour jamais, je ne dirai pas un vengeur, pourtant un champion intrépide, spirituel, éloquent et arrogant, qui s’empara de la cause perdue comme d’une gageure, qui la prétendit gagner d’un revers de main, qui réussit certainement à la rajeunir, et qu’il nous faut entendre. Ce n’est rien moins que le comte Joseph de Maistre en personne.

Dans le volume intitulé De l’Église gallicane, écrit en 1817, publié en 1821, et qui se rattache à son livre du Pape, il y a toute une moitié expressément dirigée contre Port-Royal, contre Pascal et les petites Lettres. Nulle part la verve de ce génie paradoxal ne s’est déployée avec plus de feu ; nulle part, il ne tranche plus dans le vif. Connaissant Port-Royal comme nous faisons à cette heure, c’est une bonne fortune, qui n’est pas sans quelque danger, de rencontrer M. de Maistre

    très-bonne amie, officieuse, généreuse au dernier point. Après tout cela, je ne puis vous cacher qu’elle est beaucoup des miennes ; et je la regarde comme une de mes plus précieuses acquisitions. Elle-même unique en son espèce. Deux théologiens dont l’un la voit et l’autre ne l’a jamais vue, mais l’estime fort sur ce qu’il sait d’elle par leur ami commun, ont revu et retouché avec grand soin tous les endroits qui requièrent une exactitude particulière pour ne donner nulle prise aux esprits scolastiques. Pour l’art de traduire et le choix de l’expression, rien presque n’est dû qu’à elle seule. Qu’en voilà sur un seul article ! Mais je ne puis dire encore tout dans une page et plus que voilà pour elle. Dictum sit ad laudem glorias Gratiœ Dei et Christi, selon les termes de l’Apôtre ; car un tel sujet ne sauroit être que l’ouvrage du Seigneur. Je lui dirai les bénédictions que vous lui souhaitez, Monsieur, sans la connoître autrement que par sa traduction. » On voit comme tout prenait de l’importance et une signification distincte dans ce monde un peu fermé de Port-Royal. Une simple traduction y avait tous les honneurs d’un original.