fin d’Arnauld, l’historien s’élève, il est respectueux, éloquent. Voici le passage :
« Enfin Arnauld, craignant des ennemis armés de l’autorité souveraine, privé de l’appui de madame de Longueville que la mort enleva, prit le parti de quitter pour jamais la France et d’aller vivre dans les Pays-Bas, inconnu, sans fortune, même sans domestiques ; lui, dont le neveu avait été ministre d’État ; lui, qui aurait pu être cardinal. Le plaisir d’écrire en liberté lui tint lieu de tout[1]. Il vécut jusqu’en 1694, dans une retraite ignorée du monde et connue à ses seuls amis, toujours écrivant, toujours philosophe supérieur à la mauvaise fortune, et donnant jusqu’au dernier moment l’exemple d’une âme pure, forte et inébranlable. »
Or, sur cette même mort faite pour désarmer, que va dire de Maistre au contraire ?
« L’inébranlable obstination dans l’erreur, l’invincible et systématique mépris de l’autorité, sont le caractère éternel de la secte. On vient de le lire sur le front de Pascal ; Arnauld ne le manifesta pas moins visiblement. Mourant à Bruxelles plus qu’octogénaire, il veut mourir dans les bras de Quesnel, il l’appelle à lui ; il meurt après avoir protesté, dans son testament, qu’il persiste dans ses sentiments. »
C’est en ces termes durs et secs que de Maistre conclut son chapitre IXe. Des deux écrivains, ici Voltaire est assurément le plus charitable, le plus humain, et partant le plus religieux.
Je continue d’extraire quelques phrases et quelques passages en me hâtant ; au point où nous en sommes de la connaissance de notre sujet, c’est suffisamment réfuter de tels paradoxes que de les produire, et ce serait manquer à l’embellissement que de s’en priver :
- ↑ Trait charmant et vrai, où perce à la fois une légère malice et une sympathie généreuse ! Ceux à qui ce plaisir d’écrire en liberté tient lieu de tout forment une race à part, et Voltaire en est comme Arnauld.