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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/270

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PORT-ROYAL.

grès, serait également sorti à coup sûr ; mais elles y ont de bonne heure et le plus directement aidé.

Pascal, en les écrivant, pensait avant tout à la morale chrétienne outragée ; il la voulait venger et rétablir aux dépens et à la confusion des corrupteurs. Mais, en s’adressant au monde et sur le ton du monde, il a obtenu un résultat auquel il visait moins ; il a hâté l’établissement de ce que j’appelle la Morale des honnêtes gens, qui n’est pas la stricte morale chrétienne, bien que celle-ci à l’origine y soit pour beaucoup.

J’ai souvent pu paraître sévère en parlant de cette morale du monde, et en la jugeant soit du point de vue de l’austère Christianisme où nos amis de Port-Royal me plaçaient naturellement, soit du point de vue presque aussi rigide des La Rochefoucauld et des La Bruyère ; pourtant il faut être juste, et c’est le moment de faire à l’ordre d’idées assez généralement régnant la part légitime qui lui est due.

Aussi inférieure à la vraie morale chrétienne (si l’on peut établir de telles proportions) que supérieure à la fausse et odieuse méthode jésuitique, cette morale des honnêtes gens n’est pas la vertu, mais un composé de bonnes habitudes, de bonnes manières, d’honnêtes procédés reposant d’ordinaire sur un fonds plus ou moins généreux, sur une nature plus ou moins bien née. Être bien né, comme on dit, avoir eu autour de soi d’honorables exemples, avoir reçu une éducation qui ait entretenu nos sentiments, ne pas manquer de conscience, se soucier surtout d’une juste considération, voilà, avec mille variantes qu’on suppose aisément, avec plus de feu et de générosité quand on est jeune, avec plus de prudence et de calcul bien entendu après trente ans, voilà ce qui compose à peu près cette morale des relations ordinaires, telle que nous l’offre tout d’abord la surface de la société aujourd’hui, et qui même