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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/275

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LIVRE TROISIÈME.

d’un tel confesseur ; et ainsi qu’on lui fait dire dans les Chansons manuscrites du temps :


Le Père Annat est rude,
Et me dit fort souvent
Qu’un péché d’habitude
Est un crime fort grand :
De peur de lui déplaire,
Je change La Vallière
Et prends la Montespan.


Vers la fin, le Père Annat avait fait venir de Toulouse, pour lui servir de second, un de ses confrères, le Père Ferrier, qui s’était donné à connaître par son esprit d’habileté dans les négociations engagées avec l’évêque de Comminges sur les querelles de l’Église. Ce coadjuteur du Père Annat finit par le remplacer, à titre de confesseur du Roi, en 1670 ; on dit que le bonhomme, après avoir abdiqué, en mourut de regret quatre mois après. Quoi qu’il en soit, ce Père Ferrier nous représente très-bien le personnage délicat du confesseur, en ces bouillantes années où le monarque passait de La Vallière à Montespan, et où Molière menait les gaietés de la Cour : « C’étoit, a dit Amelot de La Houssaye[1], « un petit homme quant à la taille, mais un grand homme quant à l’esprit. Il aimoit fort sa Compagnie, mais sans en être esclave : il la soutenoit et la défendoit hautement quand elle avoit bon droit, mais il gardoit une parfaite neutralité lorsqu’elle avoit tort ; et, par cette prudente conduite, il se faisoit respecter également de leurs amis et de leurs ennemis. » Et Amelot cite quelques anecdotes à l’appui. Arnauld en raconte une autre dans l’une de ses Lettres[2], et, en ne voulant que prouver la morale accommodante de ce

  1. Mémoires historiques, politiques, etc.
  2. À madame de Fontpertuis, 9 janvier 1694.