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PORT-ROYAL.

fut congédiée. Molière s’en retourna, bien étonné de Tempressement qu’on avoit eu pour le faire venir, et de celui qu’on avoit pour le renvoyer… »

Racine, continuant de plaisanter les rigides censeurs du théâtre, leur demande si, après tout, les Provinciales sont elles-mêmes autre chose que des comédies :

« Dites-moi, Messieurs, qu’est-ce qui se passe dans les Comédies ? On y joue un valet fourbe, un bourgeois avare, un marquis extravagant, et tout ce qu’il y a dans le monde de plus digne de risée. J’avoue que le Provincial a mieux choisi ses personnages : il les a cherchés dans les couvents et dans la Sorbonne ; il a introduit sur la scène tantôt des Jacobins, tantôt des docteurs, et toujours des Jésuites. Combien de rôles leur fait-il jouer ! tantôt il amène un Jésuite bonhomme, tantôt un Jésuite méchant, et toujours un Jésuite ridicule… Reconnoissez donc que, puisque nos Comédies ressemblent si fort aux vôtres, il faut bien qu’elles ne soient pas si criminelles. Pour les Pères, c’est à vous de nous les citer ; c’est à vous… de nous convaincre par une foule de passages que l’Église nous interdit absolument la Comédie, en l’état qu’elle est : alors nous cesserons d’y aller, et nous attendrons patiemment que le temps vienne de mettre les Jésuites sur le théâtre. »

Le temps était déjà venu ; en 1667, en 1669, Tartufe parut devant le public assemblé, et, dans la signification qu’il prit et qu’il a gardée, ce n’est pas autre chose que ce qu’on attendait là : Escobar traduit sur le théâtre. Aussi je conçois très bien que, chez la duchesse de Longueville, chez madame de Guemené ou madame de Sablé, la lecture du Tartufe ait été un moment tolérée par nos Jansénistes d’après les Provinciales. Molière le lisait vers le même temps chez Ninon. Je me demande involontairement ce qu’aurait pensé Pascal (s’il n’était mort deux années auparavant) en lisant la pièce de Molière ; car

    mandeur de Souvré, rue des Petits-Champs, et le temps de son étroite union avec les mères pouvait sembler passé.