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LIVRE TROISIÈME.

C’est de cette Bulle d’Innocent X, et bientôt du Formulaire d’Alexandre VII, que la persécution en France contre Port-Royal va se servir et s’armer avec une véritable cruauté. Port-Royal, du moins, échappera en partie aux fautes de ses partisans théologiens, par plusieurs de ses beaux caractères. Après tout, si pardevant ces souverains pontifes passés et prochains, Urbain YIII, Innocent X, Alexandre VII, Clément XI, arbitres d’une doctrine que je ne me permets pas de juger, si devant eux, ou au-dessous de leurs noms, on inscrivait, d’une part, ces archevêques de Paris fâcheux ou funestes, Gondi, Marca, Péréfixe et autres, si on y ajoutait en regard la liste parallèle des confesseurs du Roi depuis le Père Annat jusqu’au Père Tellier, et que l’on citât entre deux la lignée, même décroissante, des hommes de Port-Royal, de Saint-Cyran à Du Guet, ce serait là un Écrit à trois colonnes qui aurait aussi sa simple éloquence.

L’annonce de la Bulle en France exalta l’invective et réjouit la fureur de bien des ennemis. Ce fut le moment où les Jésuites publièrent ce scandaleux Almanach, dont M. de Saci se teignit trop les chastes doigts en le réfutant. Dans les comédies de leurs collèges, ils représentaient à l’envi Jansénius emporté par des Diables ; à leur collège de Mâcon, dans une de ces farces, le digne évêque d’Ypres, chargé de fers, avait été traîné en triomphe par un de leurs écoliers qui jouait la Grâce suffisante[1]. On avait, à la veille du pur Louis XIV, une recrudescence épaisse du plus grossier goût écolâtre du Moyen-Age. Dans un acte de théologie soutenu chez eux à Caen, un bachelier ayant opposé à leur répondant

  1. Cette scène avait eu lieu dans une mascarade d’écoliers au Carnaval de 1651, c’est-à-dire un peu avant le moment où nous sommes ; mais le fait en résume beaucoup d’autres.