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LIVRE TROISIÈME.

ces choses qu’après sa mort, et par une personne de très-grande vertu qui avoit beaucoup de confiance en lui, à qui il avoit été obligé de le dire pour des raisons qui la regardoient elle-même. »

Si Pascal avait eu avec Fermat cette conversation qui lui fut demandée, il s’y serait piqué et ensanglanté sans doute, de peur de reprise à cette géométrie trop aimée.

C’est là ce qui révolte. D’autres particularités s’y ajoutent, qu’on aimerait autant voir négliger. Ainsi on s’est fort prévalu, pour faire tort à la justesse de vue de Pascal, on a presque triomphé d’un fragment de lettre dans lequel la Sœur Jacqueline de Sainte-Euphémie congratule son frère, avec raillerie et gaieté, de la grande ferveur « qui l’élève si fort, dit-elle, au-dessus de toutes les manières communes, qu’elle lui a fait mettre les balais au rang des meubles superflus.  » Il paraît (ce qui se conçoit très-aisément sans qu’on le dise) qu’il y avait des toiles d’araignée dans la chambre du solitaire[1]. J’avoue qu’il aurait mieux valu, à mon sens, qu’on ne nous donnât pas tous ces détails de cilice, de toilette et de ménage, que Pascal avait mis grand soin à dérober. Mais, les choses une fois divulguées, force nous est d’en tenir compte. Les Relations de Port-Royal sont trop aisément sujettes à ces sortes d’indiscrétions, comme toutes les Relations ascétiques. C’est ainsi encore (pour résumer une bonne fois ce que quelques personnes m’ont reproché à tort de vouloir recouvrir[2], quand je me suis

  1. Cette lettre de la Sœur de Sainte-Euphémie est du ler décembre 1655, et se rapporte, par conséquent, à la première année de la conversion de Pascal. Il y avait, chez celui-ci, du zèle de néophyte à passer ainsi d’un excès de recherche mondaine à un excès de négligence plus que monacale ; et sa sœur le lui fait agréablement sentir.
  2. Se rappeler ce qu’on lit à la fin du chapitre IV, livre I (tome I, pages 93, 95).