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PORT-ROYAL.

depuis l’emprisonnement du cardinal de Retz[1], à ménager le Pape, pour que Sa Sainteté ne s’en mêlât point, et qu’elle agréât la démission du Coadjuteur qu’on était en train d’arracher. À ce lendemain de la Fronde, malgré sa mansuétude, le ministre en voulait sans doute un peu aux Jansénistes des espérances que le Coadjuteur avaient fondées sur eux : il pouvait leur en vouloir plus directement de leur participation commençante à la nouvelle faction ecclésiastique que tentaient les amis de Retz pour le maintenir à l’archevêché de Paris[2]. Le Père Annat, revenu de Rome, et alors Provincial de son Ordre en attendant qu’il devînt confesseur du Roi, pressa le Cardinal sur ces cordes toutes politiques. Par un intérêt combiné, l’archevêque de Toulouse, M. de Marca, savant canoniste, qui visait à l’archevêché de Paris, et qui avait à se faire pardonner de Rome un ancien écrit gallican composé du temps qu’il était magistrat, offrait ses ardents services auprès de l’Assemblée du Clergé. Le Roi donc ayant délivré le 4 juillet 1653, de l’avis de son Conseil, des lettres-patentes pour faire recevoir cette Bulle ou Constitution par tout le royaume, et cela sans aucune de ces restrictions qu’on opposait d’ordinaire à certaines clauses, le Cardinal assembla chez lui, le 1 1 juillet, les prélats qui se trouvaient présents à Paris ou à la Cour, et là on reçut la Bulle comme au nom de tout le Clergé. M. de Marca composa un modèle, non évasif, de Mandement, pour être publié par les évêques ; et dans une lettre, de sa rédaction également, adressée par les prélats au Pape, on remarqua qu’il avait glissé, dès la troisième ligne, que les cinq Propositions étaient extraites

  1. Le cardinal de Retz ne se sauva du château de Nantes que le 8 août 1654 ; à l’arrivée de la Bulle, il était à Vincennes.
  2. Les Jansénistes passaient pour avoir prêté leur plume à la Protestation en latin contre son arrestation, adressée par lui au Sacré Collège.