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LIVRE TROISIÈME.

été une première clef, et n’aient fait sortir plusieurs des siennes.

Quand Pascal interprète les Prophéties et lève les sceaux du Vieux-Testament, quand il explique le rôle des Apôtres parmi les Gentils, et l’économie merveilleuse des desseins de Dieu, il devance visiblement Bossuet, le Bossuet de l’Histoire universelle ; il ouvre bien des perspectives que l’autre parcourra et remplira. — On raconte que Bossuet étant allé voir un jour M. Du Guet, dans la compagnie de l’abbé de Fleuri (de celui qui fut depuis évêque de Fréjus et cardinal-ministre), l’entretien roula longuement et tristement sur les maux sans nombre et les scandales de tout genre dont l’Église était inondée. « Tous deux (Bossuet et le sage Du Guet) suivirent cette longue chaîne d’iniquités qui se forme depuis tant de siècles ; ils jetèrent les yeux sur l’état de la Religion dans les différentes parties du monde, et repassèrent les divers jugements que Dieu avait exercés sur son peuple : — Quel remède donc, demandoit Bossuet, quelle issue, quelle ressource ? — Alors M. Du Guet dit : Monseigneur, il nous faut un nouveau peuple[1]. » Et il se mit à développer le plan des Écritures, conformément au chapitre XIe de l’Épître de saint Paul aux Romains. Bossuet, usant des ouvertures de Du Guet, et y entrant à son tour avec génie, avec discrétion, les mit en œuvre au cœur même de son Discours sur l’Histoire universelle. Bossuet, d’après l’Apôtre, nous y montre, à la venue du Messie, les Gentils substitués aux Juifs, l’olivier sauvage enté sur le franc olivier, afin de participer à sa bonne sève, les Juifs destinés pourtant à être réintégrés un jour, et la Grâce, comme un sceptre mystique, qui passe de peuple en peuple, pour tenir tous les peuples

  1. Au titre VIII, seconde partie, de l’édition de 1681 ; ce qui est devenu le chapitre XX des éditions ordinaires.