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PORT-ROYAL.

Pança), qu’on permettait aux écoliers : c’était le jour de Noël 1657[1] ; il tomba de la couverture et mourut des suites quelques jours après, le 6 janvier 1658. Le jeune roi lui avait envoyé son premier chirurgien, et l’était venu voir lui-même. Parmi les Poésies latines du Père Rapin, qui avait été son professeur, on trouve une Églogue, deux Élégies, et une Consolation au Cardinal en vers héroïques, sur cette mort prématurée. La douleur d’un maître serait touchante ; mais ici la flatterie déborde, et le désir de conjurer le mauvais effet en Cour est évident. Le poète, au milieu des louanges prodiguées au jeune Alphonse, se garde bien de dire un mot de l’imprudence qui a causé sa mort. Les Jésuites présumaient sans doute beaucoup de la sensibilité du Cardinal, en le croyant tellement affligé[2] : il n’était qu’ir-

  1. Une erreur de date (impardonnable, il est vrai, mais à laquelle m’avait induit le Moreri trop légèrement accepté), se trouvait ici dans la première édition, ce qui m’a fait accuser par l’annotateur des Mémoires du Père Rapin d’adopter trop souvent une chronologie de fantaisie pour étayer mes théories fragiles. On est presque heureux de rencontrer des adversaires si prompts à découvrir leur peu de loyauté et de bonne foi. J’ai pu avoir et j’ai encore sans nul doute bien des inadvertances qui m’échappent au milieu de ce détail innombrable, mais je me consume à tâcher d’être exact, et l’annotateur, qui a profité en vingt endroits de mon travail et qui l’a contrôlé à chaque page, le sait mieux que personne.
  2. On se rappelle involontairement ce passage des Mémoires de la duchesse de Mazarin, la sœur d’Alphonse : « À la première nouvelle que nous eûmes de la mort de monsieur le Cardinal, mon frère (Philippe, duc de Nevers) et ma sœur, pour tout regret, se dirent l’un à l’autre : Dieu merci ! il est crevé. À dire vrai, je n’en fus guère plus affligée ; et c’est une chose remarquable qu’un homme de ce mérite, après avoir travaillé toute sa vie pour élever et enrichir sa famille, n’en ait reçu que des marques d’aversion, même après sa mort. Si vous saviez avec quelle rigueur il nous traitait en toutes choses, vous en seriez moins surpris. Jamais personne n’eut les manières si douces en public, et si rudes dans le domestique ; et toutes nos humeurs et nos inclinations étoient contraires aux siennes… »