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LIVRE QUATRIÈME.

vers les maximes générales de l’Évangile senties dans toute leur force, et que, sans s’arrêter à regarder rien de particulier dans les choses mauvaises et sans en recevoir d’impression funeste, ils les reconnussent à première vue, et les repoussassent avec horreur à la clarté du saint flambeau :

« Voilà (et je continue avec les paroles de M. de Beaupuis), voilà ce que tâchoient de faire les maîtres qui étoient auprès de ces enfants ; et c’étoit pour pouvoir s’acquitter de leurs obligations, qu’ils veilloient continuellement sur ce petit troupeau, sans le perdre jamais de vue, et en le considérant comme un dépôt précieux dont Dieu devoit un jour leur redemander un compte terrible ; de sorte qu’ils pouvoient dire comme Jacob : Noctu diuque œstu urebar et gelu, fugiebatque somnus ex oculis meis[1].
« Ils les portoient dans leurs cœurs, et les offroient à Dieu sans cesse, pour attirer sur eux ses bénédictions et ses grâces. Ils tâchoient de ménager toutes les occasions qui se présentoient, pour leur donner toujours quelques salutaires instructions. Ils s’accommodoient à leur foiblesse. Ils les souffroient dans leurs infirmités avec patience, et ils ne se lassoient jamais de les servir : Tanquam si nutrix foveat filios suos.
Comme on les occupoit continuellement autant qu’ils en étoient capables, on leur ôtoit le loisir de s’occuper même des choses inutiles, et on les fortifioit cependant contre les mauvaises maximes qui pouvoient leur nuire. On leur faisoit voir que tout est plein de pièges et de dangers dans le monde ; que les Chrétiens doivent en user comme n’en usant point, et que, pour le vaincre, il ne faut aimer ni ses grandeurs, ni ses richesses, ni ses plaisirs.
Ils prenoient le plus souvent occasion de ce qu’ils trouvoient dans Cicéron et dans Horace, pour leur faire adroitement ces sortes de réflexions, contre lesquelles ils n’étoient point en garde. Comme il est presque impossible que de

  1. Voir le Supplément (in-4°) au Nécrologe, pages 48-63 ; je combine dans ces citations ce que je trouve de plus caractéristique dans les paroles de MM. de Sainte-Marthe et de Beaupuis.