jeunes enfants, encore assujettis aux impressions des sens, ne fassent ce qu’ils voient faire aux autres, on tâchoit de les instruire encore plus par les actions que par les paroles.
Pour ce sujet l’on avoit un soin particulier de n’avoir que des domestiques fort sages et fort réglés, afin que, ne voyant jamais faire devant eux que du bien, ils fussent dans une heureuse nécessité de ne faire aussi que ce qu’ils voyoient faire.
Comme ces maîtres n’avoient en vue que le salut de ces enfants et la conservation de leur innocence, ils les traitoient toujours avec beaucoup de charité et de douceur, et ils avoient trouvé le secret de se faire en même temps et aimer d’eux et craindre ; de sorte que la menace de les renvoyer chez eux, de les rendre à Messieurs leurs parents pour leur faire achever leurs études où il leur plairoit, étoit, à leur sens, la plus grande et la plus sensible punition qu’on pouvoit leur faire[1]. »
- ↑ Ce témoignage, entre tant d’autres, montre quel était sur l’article des châtiments le procédé de cette respectable École, et de M. de Saint-Cyran, à qui tout remonte. Je ne fais cette remarque que parce qu’un écrivain moderne s’est donné le plaisir de ramasser et de presser deux ou trois passages de Lancelot pour en tirer je ne sais quoi qui tendrait à rendre M. de Saint-Cyran ridicule. Il ne l’était pas, et j’en atteste tous ceux qui lisent ces pages sérieuses et touchantes, où son âme respire, traduite par des amis fidèles. — Et sur cet article des châtiments encore, quel contraste si l’on comparait avec le régime d’alentour ! En 1671, M. de Montausier, gouverneur du Dauphin, accablait son élève de férules, et le rouait littéralement de coups à la moindre faute. Bossuet assistait et laissait faire. (Voir les Mémoires du valet de chambre Dubois.) Un jour (10 septembre 1671), M. d’Andilly vint voir Monseigneur à l’étude, à Versailles. Mais ces jours où il venait quelqu’un de considération, on ne faisait paraître que les belles choses. — Comme supplément de témoignage enfin, sur ce même article des châtiments, je citerai un chapitre du livre De l’Éducation chrétienne des Enfants…, par M. Varet (1666), pages 140-144 :
« Il seroit à souhaiter, dit cet ami de Port-Royal, que des enfants n’eussent jamais ouï parler ni de coups ni de verges ; que le seul désir de vous plaire, ou la seule crainte de vous fâcher, réglassent tous leurs mouvements ; et que, suivant le conseil d’un grand évêque, vous les por-