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LIVRE QUATRIÈME.

Je conclus, tant avec les paroles de M. de Beaupuis qu’avec celles de M. de Sainte-Marthe, car elles se ressemblent dans un exact et même sentiment :

« Ceux d’entre les mains desquels on a arraché les enfants, doivent s’en humilier devant Dieu ; peut-être qu’ils n’étoient pas dignes de contribuer à une si bonne œuvre ; peut-être aussi que ce siècle n’étoit pas digne de voir l’établissement d’un si grand bien. Les conseils de Dieu sont toujours incompréhensibles ; mais ils ne sont jamais plus formidables que quand il permet qu’on détruise, dés leur commencement, des ouvrages très-saints, qui auroient pu contribuer au salut de plusieurs âmes. »

Humble et résignée conclusion ! Voilà donc l’esprit bien marqué de l’institution des Petites Écoles : Vigi-


    tassiez à vous respecter plutôt par votre douceur et par votre bonté, que par une conduite rude et sévère.
    « Pour moi, j’estime que la rigueur que l’Écriture sainte, en tant de passages que je vous ai cités, ordonne de tenir à l’égard des enfants, s’exerce bien plus parfaitement et même selon l’esprit de Dieu par le refus d’un baiser ou des caresses ordinaires, que par les verges ou les autres mauvais traitements du corps ; et que l’adresse la plus grande des pères et des mères consiste à rendre leurs enfants si jaloux des marques de bonté qu’ils leur donnent, qu’ils soient très-affligés au moindre refroidissement qui paroît sur leur visage ; qu’ils ne craignent rien davantage que d’être privés de leur présence ; et que rien ne leur soit plus sensible que de voir leur père ou leur mère préférer le service même d’un valet dans des rencontres où ils se disposoient eux-mêmes à leur obéir. »

    — M. Varet adressait cet Écrit à sa sœur qui était mère de famille, et en vue d’une éducation domestique ; mais il le composait dans le pur esprit de Port-Royal auquel il participait : cet estimable ecclésiastique que nous retrouverons comme historien de la Paix de l’Église (liv. V, chapitre VI), mourut à Port-Royal des Champs dans une visite qu’il y faisait (août 1676), et il y fut inhumé. — Il avait eu cela de particulier dans sa jeunesse qu’étant allé à Rome en compagnie d’une personne de grande condition et comme simple curieux, à l’âge de vingt ans et portant l’épée, il y fut converti au désir de la retraite par le spectacle même de tant de magnificences idolâtres, et aussi par l’infamie des mœurs dont il fut témoin et dont il faillit un jour être victime.