honnête homme. Si l’inconvénient était dans le trop peu d’émulation, on échappait du moins à toute routine, à tout pédantisme. La crasse et la morgue des régents n’en approchaient pas. Un grand respect pour l’enfance donnait le ton, non pas seulement le respect comme l’entend Juvénal (maxima debetur puero reverentia) et comme l’entendent les sages, mais un respect singulier et pénétré, qui va jusqu’à honorer dans l’enfant l’innocence et le Saint-Esprit qui y habite. La familiarité elle-même des enfants entre eux était honnête et décente ; on les avait tellement accoutumés à se prévenir d’honneur les uns les autres, qu’ils ne se tutoyaient jamais[1]. C’étaient déjà de petits Messieurs, non pas dans le sens mondain et impertinent, mais dans celui que nous savons, et qui n’était autre que le respect des âmes.
Quant à ce qui tient plus particulièrement à la culture des esprits, l’enseignement de Port-Royal a obtenu une célébrité consacrée par le temps, et qui est restée comme proverbiale : il nous en faut parler en toute précision.
« On ne les négligeoit pas cependant (dit le modeste M. de Beaupuis) pour ce qui regarde les belles-lettres, et l’on en prenoit certainement tout le soin possible. Ce fut pour faciliter aux petits l’intelligence des auteurs latins les plus purs, et pour leur apprendre à bien traduire en notre langue (ce qui n’étoit pas alors en usage), qu’on donna au public le Phèdre, les trois Comédies de Térence, celle de Plaute (les Captifs), le quatrième et le sixième livre de l’Énéide de Virgile, et qu’on traduisit même une bonne partie des petites Lettres de Cicéron, et les Églogues. Il ne faut pas aussi oublier qu’on fit les deux Méthodes (en françois) grecque et la-
- ↑ Je sais une maison dirigée par des mystiques, où le premier acte du Supérieur et des maîtres est de tutoyer les enfants qui entrent, même déjà grands. C’est une offense à la dignité de l’homme et du Chrétien dans l’enfant. Ces mystiques qui veulent avoir prise sur les âmes savent ce qu’ils font.