Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/543

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
533
LIVRE QUATRIÈME.

commence de la sorte, dans le petit Recueil de Guyot : « Monsieur, j’ai reçu votre lettre le vingt-neuvième d’avril, lorsque j’étois au Cumin… Après l’avoir lue, Madame votre femme m’ayant fait l’honneur de me venir voir avec Monsieur votre fils, ils ont jugé à propos que vous prissiez la peine de venir ici, et m’ont obligé de vous en écrire[1]Postquam litteras tuas legi, Postumia tua me convenit, et Servius noster. His placuit ut tu in Cumanum venires : quod etiam ut ad te scriberem, egerunt. » Le traducteur ne faisait en cela que suivre les règles posées par le Sieur de L’Estang, dans son Traité de la Traduction : « Comme notre langue, disait celui-ci, ne souffre pas qu’on parle jamais aux personnes qu’avec civilité et avec respect, et que ce respect paroît en supprimant le nom propre de la personne, pour lui donner seulement celui de Monsieur ou de Madame ; … lorsque dans les lettres ou dans les dialogues des Latins on trouve des noms propres, il ne faut pas douter qu’il n’y ait beaucoup d’occasions où l’on peut traduire, même avec grâce, ces noms propres par le mot de Monsieur, de Madame, ou de Mademoiselle[2]. » Ce besoin de tout ramener au beau français poussait encore nos traducteurs à travestir les noms propres de Trebatius et de Pomponius en ces singuliers personnages de M. de Trébace et de M. de Pomponne ! Cette dernière rencontre devait surtout leur sembler d’un à-propos charmant, et bien propre à flatter le cœur de M. d’Andilly. — C’est assez indiquer les légers travers et les endroits faibles des estimables maîtres : revenons aux parties toutes saines et sérieuses.

  1. Voir les notes du Cicéron de M. J.-Victor Le Clerc.
  2. De la Traduction, ou Règles pour apprendre à traduire la Langue latine en la Langue française, par le Sieur de L’Estang (Gaspard de Tende), 1660 ; — dédié à madame la marquise de Sablé ; — page 153.