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LIVRE QUATRIÈME.

voir qu’en des cas précis on raisonne, à n’en pas douter, non point par de simples enchaînements de noms unis par le verbe, mais par la considération effective des idées qu’on a dans l’esprit.

Une plus grande subtilité d’analyse, une originalité inventive, ne la cherchez pas dans cette Logique, non plus que dans la plupart des écrits de ces Messieurs. Nous n’avons pas ici un monument hardi construit sur une base simple, sur une pierre angulaire, haute ou profonde. Nous sommes en plaine, en fertile plaine. Les quatre règles dont Descartes fait provision avant de se mettre en route pour sa recherche, Port-Royal les accueille et n’en veut pas d’autres, en avertissant toutefois que la grande difficulté consiste à les bien observer. Les plus belles règles du monde ne suppléent jamais à l’adresse et à la qualité judicieuse de l’esprit.

La Logique de Port-Royal est étendue, elle n’est pas superficielle ; et si elle n’est pas plus profonde, c’est que la profondeur ne s’enseigne pas. Quand on la veut enseigner, on ne produit que le creux dans un grand nombre d’esprits.

La pensée pratique ressort à chaque page. Une vérité exprimée dans cette Logique est toujours sans préjudice des autres qui sont à côté. On suit préférablement Descartes, on déclare les catégories d’Aristote très-peu-utiles, mais on ne veut pas décrier Aristote : « Tous les états violents ne sont pas d’ordinaire de longue durée, et toutes les extrémités sont violentes. » Et d’ailleurs, « il n’y a point d’auteur dont on ait emprunté plus de choses dans cette Logique que d’Aristote, puisque le corps des préceptes lui appartient[1] » On profite de tout ce qu’il y a

  1. Je doute que ceux qui ont étudié Aristote en lui-même et dans son austère grandeur se tiennent pour satisfaits de cette estime tiède et mélangée, de même que nous avons vu les Hellénistes