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LIVRE QUATRIÈME.

« Vous trouverez dans les premiers de grandes lumières, assez de bonne foi, souvent trop de chaleur, quelquefois un peu d’animosité.
« Il y a dans les seconds beaucoup d’entêtement et de fantaisie. Les moins utiles fortifient le parti par le nombre ; les plus considérables lui donnent de l’éclat par leur qualité.
« Pour les Politiques, ils s’emploient chacun selon son talent, et gouvernent la machine par des moyens inconnus aux personnes qu’ils font agir….
 »

Et il continue de ce ton désintéressé, comme ferait d’Alembert ou Voltaire. En tête des meneurs politiques, M. d’Aubigny indique MM. de Bellièvre, de Laigues et Du Gué de Bagnols. Ceci se rapporte évidemment à des souvenirs datant de la Fronde ecclésiastique, quand MM. de Bellièvre et de Bagnols vivaient encore[1], quand le cardinal de Retz adressait de Rome à ses Grands-Vicaires l’ordre de reprendre en son nom l’administration du diocèse de Paris, et que M. d’Aubigny, au sein du Chapitre, se signalait par sa fermeté à défendre la cause de son archevêque légitime : c’est Retz lui-même qui lui a rendu ce témoignage[2].

  1. Ils moururent tous deux en 1657 ; M. d’Aubigny en parle comme de gens vivants, et pourtant il est bien probable qu’il n’eut cette conversation avec Saint-Évremond qu’après 1657, et en Angleterre. Mais dans ces Conversations, écrites après coup par Saint-Êvremond, il a dû se glisser bien de petits anachronismes (voir précédemment, page 48).
  2. Au moment où le cardinal de Retz parvint à s’échapper du château de Nantes (8 août 1654), le Chapitre de l’Église de Paris et plusieurs curés ayant jugé à propos d’en rendre solennellement des actions de grâces à Dieu, il fut envoyé au nom du roi des lettres de cachet aux grands vicaires du Cardinal et à quelques-uns des chanoines et curés qui s’étaient signalés par leur ardeur. Ces lettres de cachet n’étaient d’abord que pour mander ces ecclésiastiques à Péronne, où était la Cour pendant le siège d’Arras ; mais, après le retour triomphant à Paris, on exerça quelques rigueurs envers les personnes ; il y eut des relégations et des exils. M. Hermant nous apprend dans son Histoire « qu’on délibéra