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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/603

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APPENDICE.

l’étoient pas, ils devoient condamner les Propositions non pas simplement ut jacent,… mais ad mentem Jansenii, ce qu’il savoit bien qu’ils ne feroient jamais.
« Qu’il (M. Hallier) a fait le voyage de Rome à ses dépens et qu’il est près d’y retourner et peut-être dès ce printemps ; qu’il étoit résolu d’y demeurer encore dix ans, comme peu s’en falloit si les choses eussent pris un autre tour qu’elles n’ont pris ; — que le Pape lui a offert l’évêché de Toul et encore un autre ; qu’il n’est plus en état d’en prendre, ayant 58 ans, et ne voulant plus qu’étudier et se disposer à mourir ; qu’il y a deux ans qu’il ne fait qu’étudier ces matières, qu’il y est plus savant qu’eux[1]….
« M. Hallier ajoutoit que M. de Sainte-Beuve avoit dit à quatre ou cinq docteurs : Le Pape en aura le démenti.
« J’ai questionné le même jour le valet de M. Manessier qui a fait avec lui le voyage de Rome et qui ne se défioit de rien et m’a dit tout simplement que ces messieurs avoient à leur retour passé par Zurich ; que M. de Saint-Amour en connoissoit le ministre dès son premier voyage d’Italie avec le marquis de Souvré ; que celui-ci (le ministre) leur vint faire des civilités à leur arrivée ; que le lendemain il se mit en leur compagnie jusqu’à Baden où étoient assemblés les Chefs du canton pour apaiser les émotions populaires du pays et des paysans soulevés ; que dans Baden il n’y a qu’une bonne hôtellerie unique où logeoient les Députés (du Canton) ; que les docteurs y furent descendre, que l’hôtelier alla retenir en ville un logis pour eux, mais qu’il les obligea de venir manger chez lui, ce qu’ils firent ; qu’on mit M. de Lalane au haut, le pasteur de Zurich après, le Père Des Mares ensuite, et ainsi se mêlant ; qu’on fut deux heures à table ; que le lendemain on leur fit voir les raretés de la ville ; — que le Père Des Mares avoit appréhendé de venir à Milan de peur de l’Inquisition, que cela fit changer le dessein qu’ils avoient de revenir par Lorette, et prendre la route de Florence et Venise ; qu’ils y arrêtèrent en attendant réponse aux lettres qu’ils avoient écrites à leur départ de Rome, ne sachant si les évêques ne les feroient pas retourner pour avoir un plus ample éclaircissement. Il (le valet) me dit que le Père Des Mares vouloit revenir en France lorsqu’il se vit arrêté pour la quarantaine au port de Gousat, et n’eût point passé outre à Rome sans M. Manessier ; qu’après leur audience ils furent visités solennellement, et qu’à leur départ le Père Isidore consulteur leur dit adieu amplement ; que M. de Lalane disoit souvent la messe, et les autres rarement pour ne pouvoir s’accommoder aux mines et aux formalités d’Italie ; que M. Angran et le Père Des Mares se divertissoient à jouer aux échecs.
« Le 16, M. Hallier m’a dit l’avoir su du voiturier qui les avoit conduits que, pour se défaire d’un religieux et être seuls, ils avoient rendu les cinquante pistoles d’arrhes que le messager avoit eues de lui ; qu’ils furent de Zurich à Bâle en compagnie de six ministres ; que la reine et le cardinal Mazarin le savoient bien, etc.
« Le 23… M. Manessier m’est demeuré d’accord qu’aussitôt après la censure, on leur fit dire qu’ils eussent à sortir promptement de Rome. On

  1. M. Hallier, selon la remarque des Jansénistes, fut puni à l’endroit sensible. Il se laissa faire évêque de Cavaillon, mais il acheva de vivre et mourut paralysé, toutes facultés abolies, ayant oublié tout ce qu’il avait su même son Pater.