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PORT-ROYAL.

les deux premières furent imprimées chez Petit ; M. de Saint-Gilles, ce solitaire si actif que nous connaissons, en raconte le détail et le comment. Lorsque le commissaire vint chez cet imprimeur qui ne s’y trouva point, sa femme monta à l’imprimerie, mit les formes, quoique fort pesantes, dans son tablier, et passant à travers les gardes, comme une Judith, alla les porter chez un voisin, où, dès la même nuit, on tira trois cents exemplaires de la seconde Lettre, et le lendemain douze cents.

Dès lors nous entrons dans cette carrière de lutinerie et presque de magie, en matière d’impression, où les Jansénistes sont passés maîtres. Au dix-huitième siècle, le Lieutenant de police Hérault, visitant une maison où on lui avait dit que s’imprimaient les Nouvelles ecclésiastiques, et n’y ayant rien saisi, trouvait, en remontant dans son carrosse, des paquets tout humides, tout fraîchement imprimés, du nouveau numéro qu’on y avait jetés, comme pour le narguer. L’abbé Grégoire, tout édifié, ajoute : « L’habileté avec laquelle les auteurs de cet ouvrage ont trompé la vigilance de l’Inquisition française peut servir de modèle[1]… « Ce nouveau mérite des Jansénistes remonte à l’impression des Provinciales, et l’honneur de l’invention en revient surtout au plus adroit des factotum de Port-Royal, M. de Saint-Gilles d’Asson.

M. de Saint-Gilles d’un côté, M. de Saint-Amour de l’autre, leur moment à tous deux est venu.

On lit, dans les pièces annexées aux Mémoires de Beaubrun, une note manuscrite curieuse de la main de ce M. de Saint-Gilles, à la date du 18 août 1656 ; elle nous initie aux secrets :


    devenus moins difficiles sur leurs alliés, perdirent beaucoup à sa mort.

  1. Les Ruines de Port-Royal, p. 72.