fois trouvée, contre l’Académie et les Quarante, et qui va être éternelle. Il est vrai que Pascal la place dans la bouche d’un Provincial qui est censé tout admirer de Paris : son trait de légère satire devient en même temps un trait de costume et de caractère. Dans cette lettre supposée de l’académicien, qu’il transcrit, autre raillerie finement sensible : « Je voudrois que la Sorbonne, qui doit tant à la mémoire de feu monsieur le Cardinal, voulût reconnoitre la jurisdiction de son Académie françoise ; l’auteur de la Lettre seroit content ; car, en qualité d’Académicien, je condamnerois d’autorité, je bannirois, je proscrirois, peu s’en faut que je ne die, j’exterminerais de tout mon pouvoir ce pouvoir prochain qui fait tant de bruit pour rien… » C’est à croire que Pascal a voulu faire un petit pastiche de Balzac, avant Boileau.
Et quand il fait parler l’académicien, Pascal, notons-le encore, simule un style un peu plus ancien, plus suranné que le sien propre, lequel ne l’est pas du tout : Peu s’en faut que je ne DIE, j’en suis MARRI. Ainsi, en un temps où l’Académie réglait véritablement et fixait le langage, Pascal (ce m’est évident) la trouve déjà un peu surannée et arriérée, nonobstant Vaugelas. Il la devance ; il use, pour mieux réussir dans le monde, du langage du monde même, du dernier langage[1]. Il n’a qu’à se souvenir pour cela de sa manière de causer et d’entendre causer en ces années 1651-1654, où il était si répandu, où il voyait tout ce qu’il y avait de mieux
- ↑ Dans les premières éditions des Provinciales, je rencontre quelques mots comme atroces, détestables, horriblement, vertement, qui ont été remplaces et atténués dans les suivantes par des mots moins crus : fortement réfuté, pour vertement, par exemple. Ce fut une concession aux délicatesses et à la petite bouche du monde. Il y a encore dans les premières éditions : il faut que je vous die, je vas vous dire, il s’y agit, avoir accoutumé. On a laissé des violements de charité (onzième Lettre).