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PORT-ROYAL.

C’est tout ce qu’on trouve à redire en lui. Quoi qu’il fasse, s’il ne cesse d’être, il ne sera jamais bon Catholique. » À force de tuer du coup la Sorbonne, Pascal tua à jamais, avec sa façon, le docteur de Sorbonne par excellence, son illustre ami en personne, Antoine Arnauld.

S’il ne le tua pas du même coup, il le fit vieillir en un an de quarante.

Les Provinciales avaient pour but de créer un parti d’indifférents favorables ; elles ont réussi, et trop bien pour leur cause : mercedem suam receperunt. Les Provinciales ont créé les amis de Port-Royal, comme madame de Sévigné, par exemple, comme La Fontaine[1] ; elles auraient conquis Montaigne. De ces alliés-là, on n’exigeait que peu : « Ce serait trop les presser, il ne faut pas tyranniser ses amis[2]. » Ces Jansénistes amateurs, tout en préconisant les illustres solitaires, le grand Arnauld, le fameux M. Nicole, allaient bientôt redisant du fond, non point tout à fait comme Pascal à la fin de sa troisième Provinciale : « Ce sont des disputes de théologiens, et non pas de théologie, » mais par un léger changement, qui ne leur en paraissait pas un : « Ce sont des disputes de théologiens ET de théologie. » On sautait par mégarde deux petits mots essentiels, confondant désormais indifféremment hommes et choses : cela simplifiait les questions.

Les amis et protecteurs de Port-Royal, qui le servaient de leurs discours, de leur influence dans le monde, lui demandaient en retour de les servir au besoin ; car Port-Royal, ayant ainsi un parti, était très à même de favoriser quelques-uns de ses amis mondains les uns par les autres : ces sortes d’offices se traitent d’ordinaire aveuglément. Et puisqu’il s’agit de lettres, j’en veux ci-

  1. Comme vous peut-être qui me lisez, comme moi peut-être qui écris.
  2. Seconde Provinciale ; Pascal le dit des Jésuites.