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LIVRE TROISIÈME.

ter une qui revient tant bien que mal à mon propos. Je la trouve manuscrite dans les papiers de madame de Sablé ; elle lui est adressée par mademoiselle Suzanne d’Aumale, bientôt madame de Schomberg, et amie particulière de M. et de mesdames de Grignan. Elle doit être de quelques années après les Provinciales. Lisez ; aurait-on jamais écrit de la sorte au Port-Royal d’auparavant ?

« On m’a dit que le Port-Royal gouverne M. de Benoise, conseiller à la Grand’Chambre, et, comme j’ai assez bonne opinion du Port-Royal pour croire que vous le gouvernez, je vous supplie très-humblement. Madame, de faire en sorte que ceux de votre connoissance qui sont le mieux auprès de ce M. Benoise le sollicitent pour une affaire de M. et de madame de Richelieu, pour laquelle madame d’Aiguillon sollicite (Vous voyez quelle longue chaîne de sollicitations, et qui se vient suspendre à Port-Royal). Ainsi, madame, je crois qu’il sera aisé d’obtenir de vous la grâce que je vous demande, et je pense même que je ne la dois pas mettre sur mon compte, et que vous serez bien aise de le faire en l’honneur de ceux pour qui je vous la demande. Mais en voilà assez parlé… Je suis avec madame de Grignan[1] qui vous fait les plus grands compliments du monde, et qui ira au Port-Royal dès qu’elle sera désenrhumée. »

Pour ajouter au piquant, vous noterez que mademoiselle d’Aumale était protestante. Cela vérifiait au sérieux le mot de la seconde Provinciale : « Je trouvai à la porte un de mes bons amis, grand janséniste, car j’en ai de tous les partis. » Eh bien ! nous tenons là le revers et le prix du succès. Le monde avait prêté ses salons à la vogue des petites Lettres, et il venait redemander sans façon à Port-Royal ses services, son en-

  1. Probablement la première madame de Grignan, ou peut-être la seconde. Mademoiselle de Sévigné ne vint qu’en troisièmes noces.