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LIVRE QUATRIÈME.

leur place, et les rôles mieux observés. Quand l’habile controversiste Nicole, aux prises avec quelque ministre calviniste, avait besoin d’être prémuni à fond sur quelque point délicat de l’histoire ecclésiastique, c’était à M. de Tillemont qu’il s’adressait ; et celui-ci se mettait aussitôt en devoir de lui fournir de bons fondements par une de ces lettres de quatre pages, toute de faits et de discussion, de sa fine écriture serrée et distincte : « Si vous avez besoin de moi en quelque autre chose, je suis tout à vous et à l’Église que vous défendez[1] ».

M. de Tillemont disait un jour à mademoiselle Marguerite Périer que, depuis l’âge de quatorze ans, il n’avait jamais rien lu ni étudié (hors ce qu’il lisait pour son édification) que par rapport à l’Histoire ecclésiastique, à laquelle il s’était proposé de travailler.

À la lecture de Baronius il joignit durant quelque temps, nous dit-on, l’étude de la théologie d’Estius. De cette étude il passa à une autre, qui était la plus agréable pour lui parce qu’elle était la source même : il se mit à étudier l’Écriture-Sainte et les Pères.

Dans cette lecture, qu’il commença avec régularité vers l’âge de dix-huit ans, il lui vint en pensée de recueillir tout ce qu’il rencontrerait sur les Apôtres, et de le ranger à peu près suivant la méthode d’Usserius dans ses Annales sacrées, c’est-à-dire en dressant une contexture des faits dans l’ordre chronologique, au fur et à mesure qu’ils sortent des témoignages originaux. Il montra cette ébauche à ses maîtres, lesquels y découvrant « un génie tout propre à l’histoire, et un talent tout particulier pour en bien éclaircir les difficultés, »

  1. C’est la conclusion d’une longue lettre de Tillemont à Nicole, qui roule sur le plus ou moins de continence des Évêques et des Saints dans l’Église primitive, et qui est datée du 24 juillet 1683. (Manuscrits de la Bibliothèque Mazarine, T. 2297.)