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LIVRE QUATRIÈME.

qu’à neuf heures et demie du soir, sa vie était réglée, le premier jour comme tous les jours. Il était enfermé tout ce temps, hors deux heures de relâche après son diner, qu’il employait ordinairement à marcher. — Il était exact à dire chaque Office à son heure propre ; et, dès que cette heure sonnait, il quittait l’étude, fût-ce même à regret, ce qu’il se reprochait parfois ; mais il croyait qu’on devait en cette exactitude suivre l’esprit de l’Église, qui est de se renouveler ainsi de temps en temps, et d’arroser son ouvrage par des prières. Il aimait extrêmement le chant d’ÉgHse, qu’il avait appris de lui-même dès sa plus tendre jeunesse ; et il le savait si parfaitement, qu’il le composait très-bien. Quand il n’allait pas à sa paroisse pour Vêpres, il les chantait lui-même dans sa chapelle domestique : c’était son luxe et sa fête.

Sa parole était concise. Rarement il prévenait en parlant le premier, et il attendait qu’on l’interrogeât. Il n’a jamais parlé en public, excepté peut-être dans les premiers temps de sa prêtrise, pour faire des instructions à lacampagne.il s’était accoutumé de bonne heure dans son Histoire à ne pas s’étendre, à ne prendre d’ua sujet que l’essentiel ; mais cet essentiel, il le disait avec une vive plénitude, avec une onction particulière, et ceux qui l’avaient entendu, même les plus simples, s’en ressouvenaient toujours.

Dans ses promenades, ou même ses voyages, qu’il faisait toujours à pied, un bâton à la main, comme un simple prêtre de campagne, — comme Mabillon, — sa bonté le rendait affable avec les petits soit d’âge, soit de condition. Il les saluait tous quand il les rencontrait, et leur parlait comme à ses frères. Un certain air de sainteté transpirant sur son visage ajoutait à l’accent de ses paroles. Il disait des domestiques : « Ils sont aussi nobles que nous, et un homme ne doit rien à un homme que