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VICTOR HUGO.

En 1805, l’enfant revint à Paris avec sa mère, qui se logea dans la rue de Clichy. Il allait à l’école rue du Mont-Blanc. Les souvenirs de ce temps ne lui retracent qu’une chèvre et un puits surmonté d’un saule dans la cour de la maison ; il jouait là autour avec son jeune camarade Delon, depuis frappé d’une condamnation capitale dans l’affaire de Saumur, et mort en Grèce commandant de l’artillerie de lord Byron. En 1807, Mme  Hugo repartit en Italie avec ses fils pour rejoindre son mari, gouverneur de la province d’Avellino, où il extirpait les bandes de brigands, entre autres celle de Fra-Diavolo. L’enfant y resta jusqu’en 1809 ; il en rapporta mille sensations fraîches et graves, des formes merveilleuses de défilés, de gorges, de montagnes, des perspectives gigantesques et féeriques de paysages, tels qu’ils se grossissent et qu’ils flottent dans la fantaisie ébranlée de l’enfance.

De 1809 à 1811, le jeune Hugo demeura en France avec ses frères et sa mère. Mme  Hugo, femme supérieure, d’un caractère viril et royal, comme dirait Platon, s’était décidée à ne pas voir le monde, et a vivre retirée dans une maison située au fond du cul-de-sac des Feuillantines, faubourg Saint-Jacques, pour mieux vaquer à l’éducation de ses fils. Une tendresse austère et réservée, une discipline régulière, impérieuse, peu de familiarité, nul mysticisme, des entretiens suivis, instructifs et plus sérieux que l’enfance, tels étaient les grands traits de cet amour maternel si profond, si dévoué, si vigilant, et de l’éducation qu’il lui dicta envers ses fils, envers le jeune Victor en par-