Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/514

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lie étroitement à la croyance, je ferai seulement remarquer que tel n’était point exactement le dessein primitif de Pascal, et que, tout en insistant au début sur les preuves morales intérieures, il n’aurait rien négligé, dans son ouvrage, de ce qui pouvait saisir l’imagination des hommes et déterminer indirectement leur persuasion. Il n’aurait point sans doute, comme le fit plus tard l’illustre auteur du Génie du Christianisme, porté ses principales couleurs sur le côté magnifique ou touchant du catholicisme, considéré surtout dans ses rapports avec la société ; il n’aurait pas cependant négligé les grandeurs et les beautés aimables de la religion. Son livre, en un mot, s’il l’avait exécuté comme il l’avait conçu, n’aurait pas été seulement destiné aux moralistes et aux penseurs ; il aurait eu pour objet d’acheminer et d’entraîner tout un peuple moins relevé de lecteurs par l’attrait, par le mouvement graduel et l’émotion presque dramatique d’une marche savamment concertée. La nouvelle apologétique qu’on pourrait déduire des Pensées de Pascal, telles qu’on les possède actuellement, ne saurait s’adresser en réalité qu’à un petit nombre d’esprits et de cœurs méditatifs ; et elle mériterait moins le nom d’apologétique que de s’appeler tout simplement une forte étude morale et religieuse faite en présence d’un grand modèle.

Quelque nom qu’on lui donne, cette étude ne peut s’entreprendre désormais en compagnie d’un auxiliaire plus utile et plus sûr que ne l’est M. Vinet, d’un guide connaissant mieux les profondeurs du monde moral, ses défilés étroits et ses détours, ses abîmes et même ses orages cachés.

Ce volume publié par les amis de M. Vinet n’est que le premier de ceux qui paraîtront successivement, et qui nous offriront les œuvres complètes du savant et pieux auteur. Les volumes suivants contiendront quelques parties d’un Cours qui embrassait la littérature du dix-septième siècle et celle du dix-huitième. Les moralistes français y sont l’objet