Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/119

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définitive. Mademoiselle Amélie, en relevant le mot, m'indiqua qu'elle avait compris et qu'elle consentait : “ Vous avez raison, reprit-elle ; avant deux ans au moins, rien n'est possible dans les existences privées, grâce à tout ce qui s'agite ; il serait peu sensé d'asseoir d'ici là aucun projet de vie ” ; et elle ajouta : “ Mais soyez prudent, vos amis vous en supplient, soyez-le plus que par le passé. ” Je me levai là-dessus, profitant de son sourire.

Je pris congé de madame de Greneuc et d'elle ; je les embrassai, et je partis. Elle m'accompagna jusqu'à la barrière de la cour, tout comme autrefois, malgré la neige qui était tombée. Quelle supériorité de jeune fille elle garda jusqu'au bout, et quelle dignité généreuse ! Tels furent mes derniers adieux à la Gastine ; tel j'en sortis pour n'y jamais revenir, embarrassé, honteux, la tête peu haute, peu loyal, et ne pouvant sans inconvénient l'être plus.

Combien cette sortie humiliée différait d'avec les anciennes ! Où était-elle cette molle et idéale soirée de mon triomphe rêveur ! et qu'avais-je donc tant gagné depuis, qu'avais-je osé de si grand et goûté de si vif pour dédaigner et fouler toutes ces virginales promesses ? - Je m'arrêtai court à cette pensée, et me repentis de l'avoir eue : assez d'ingratitude, à mon Ame ! plains et pleure ce que tu perds mais ne renie pas ce que tu as trouvé !

En rentrant au logis après cette visite, je rencontrai d'abord l'un des deux éternels gardes-chasse de M. de Vacquerie. Ce dernier était à la ville au moment où M. de Couaën qui y avait aussi fait un tour ; venait d'être arrêté par ordre supérieur et dirigé immédiatement sur Paris. Le bon M. de Vacquerie avait à l'instant dépêché l'un de ses gardes vers madame de Couaën au château, et l'autre à moi-même : ces pauvres gens ne s'étaient jamais vus si utiles. J'arrivai à Couaën avant la nuit ; les officiers de police et magistrats partis de la ville à la minute de l'arrestation, mais