Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/143

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par-derrière que la brune chevelure relevée, voilà vos désirs qui renaissent et qui courent devant. Il nous faut toujours combattre.

S'il est vrai que l'orgueil soit le plus souvent l'antagoniste de la volupté, l'amour-propre est encore plus l'ennemi de l'amour. J'appris cependant que, lorsqu'on n'est pas de force à prendre pour auxiliaire suprême l'Amour divin pur et à s'y appuyer, lorsqu'on ne considère pas assez le corps comme le temple de l'Esprit-Saint, et ses membres comme les membres du Christ, il doit être bon de ne pas purger son amour humain de tout respect humain et de tout amour-propre. Car, si l'amour pour l'amante est trop humble, trop contrit, trop sacrifié, il peut, faute de l'Amour divin, laisser les sens abandonnés à eux-mêmes de leur côté, et par là il permet et il reçoit d'irréparables souillures.

J'appris enfin (et c'est là, à mon ami, en cette science ténébreuse où je me plais trop à revenir, C'est le seul endroit qui m'ait été immédiatement fructueux), j'appris à peser, à corriger ce qu'a dit de la femme l'antique Salomon dans sa satiété de roi, à chérir ce qu'a dit de clément le Philosophe inconnu, ce Salomon moderne, invisible et plus doux ; à comprendre, à pratiquer, l'avouerais-je ? ce qu'a fait le Christ envers la Samaritaine  ; à ne pas maudire !

Salomon, qui avait trouvé la femme plus amère que la mort, s'écrie “qu'il y a un homme sur mille, mais qu'il n'y a pas une femme entre toutes ”. Le Philosophe profond qui vécut voilé, a écrit aussi, en un moment de saint effroi, qu'il n'y a pas de femmes, tant la matière de la femme paraissait à ses yeux plus dégénérée et plus redoutable encore que celle de l'homme ! Mais, se souvenant bientôt que le Christ est venu et que Marie a engendré, il ajoute ces consolantes paroles : " Si Dieu pouvait avoir une mesure dans son amour, il devrait aimer la femme plus que l'homme. Quant à nous, nous ne pouvons nous dispenser