Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/220

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long, la conversation entre les bons pères et moi était courte, par mon peu d'usage de leur langue ; je résolus donc de vous dérouler en forme de mémoires une histoire de ma jeunesse à loisir. Nous en avions pour six semaines au moins de retard et cela avec la traversée faisait un intervalle bien suffisant. Il m'a semblé d'ailleurs que dans ce répit inattendu, que j'obtenais sur un coin de terre du vieux monde, il m'était permis et comme insinué de m'appliquer une dernière fois au souvenir, en vous en exprimant la moralité. J'ai lu que le célèbre M. Le Maître, dans ce Port-Royal si rigoureux, prenait en plaisir et en dévotion de se faire raconter par chacun des solitaires survenants les aventures spirituelles et les renversements intérieurs qui les y avaient amenés . Ici, mon ami, ça été l'homme habitué déjà dans la retraite, qui a été trouver par ses aveux l'homme trop peu revenu ; ça été le plus vieux qui s'est donné à l'avance au moins mûr ; ça été le confesseur qui s'est agenouillé devant vous et qui s'est humilié. Oh ! tâchez que ce ne soit pas tout à fait en vain ; justifiez, absolvez, par le bon profit que vous en saurez faire, les retours trop flatteurs où j'ai fléchi. Une pensée aussi m'a fortement dominé en ces lieux, et a introduit peu à peu sous ma plume toute une portion que j'aurais pu sans cela resserrer. Limoëlan a dû vivre en cette contrée, sur cette côte, - près d'ici peut-être ? Y vivrait-il encore ? Qui sait ? n'aurait-il pas eu pour asile, me disais-je, ce toit même que j'habite, et l'une des cellules dont, au soir, j'aperçois les lampes toujours mourantes, et jamais éteintes ? Son pauvre corps meurtri dormirait-il par hasard sous une dalle de la chapelle où, en le nommant à Dieu, j'ai prié ? Le désir de rattacher à