Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/26

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d'appliquer quelque part (n'importe où ?) mes facultés passionnées de prendre possession de moi-même et d'un des objets que toute jeunesse désire ; - sauf à me repentir après et à confesser l'abus. Une difficulté particulière . . . . . . . . . . . ... ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . s'étant tout d'un coup révélée à moi par les lectures techniques que je fis à cette époque, ajoutait encore à mon embarras et le compliquait plus que je ne saurais rendre ; j'étais averti d'un obstacle réel, obscur, quand toutes les chimères de l'imagination me criaient de me hâter. Je ne crains pas, mon ami, d'entrouvrir à vos yeux ces misères honteuses pour que vous ne désespériez pas des vôtres qui ne sont peut-être pas moins petites, et parce que bien souvent tant d'hommes qui font les superbe ; n'obéissent pas dans les chances décisives de leur destinée, à des mobiles secrets plus considérables. On serait stupéfait si l'on voyait à nu combien ont d'influence sur la moralité et les premières déterminations des natures les mieux douées quelques circonstances à peine avouables, le pois chiche ou le pied bot, une taille croquée, une ligne inégale, un pli de l'épiderme ; on devient bon ou fat, mystique ou libertin à cause de cela. Dans l'état de faiblesse étrange où, par suite des désordres de nos pères et des nôtres nous est arrivée notre volonté, de tels grains de sable, placés ici ou là, au début du chemin la font broncher et la retournent : on recouvre ensuite cette pauvreté de sophismes magnifiques. Pour moi, qui sais combien d'heures d'ardente manie, en cet âge d'intelligence et de force, j'ai passées seul, navré, à remuer, à ronger de l'ongle, à enfoncer dans ma chair ce gravier imaginaire que j'y croyais sentir ; qui eusse payé joyeusement alors, du prix de mon éternité, l'obstacle évanoui, la séduction facile, la beauté de la chevelure et du visage, répétant avec le poète ce mot du